-
Challenge Génération - Judy : Chapitre 23
Sarah
C’est mon anniversaire aujourd’hui, maman a voulu inviter toute la famille. Il manque Yoann, un de ses cousins, il est décédé il y a pas longtemps. Je suis pas très proche des cousins de maman, mais je suis contente que tata Nini vienne, je suis trop contente de la voir ! C’est elle qui arrive en premier, avec Cameron, d’ailleurs.
Les autres suivent rapidement, mais je reste près de tata.
- Bon alors tata, t’es prête à ce que je devienne aussi grande que toi ?
- Oh tu sais, c’est bien l’enfance ! Quand on est enfant on aimerait devenir adulte très vite, et puis une fois que l’on y arrive on peut déchanter tout aussi rapidement…
- Mais non, je vais adorer j’suis sûre !
En plus, cousine Léna a ramené son chien, alors qu’elle sait que j’aime pas les gros chiens avec des grosses dents. Mais comme maman a plein de chiens elle doit se dire que ça me dérange pas tant que ça…
Mathieu est venu aussi, j’étais obligée de l’inviter, et même si maman veut pas spécialement que je traine avec lui, parce qu’elle a peur de sa mauvaise influence, bah je l’ai invité quand même. Et puis, on va être honnête deux minutes… Il ne m’a jamais influencé pour quoi que ce soit… Au contraire !
Tout le monde discute, c’est cool mais… il faudrait peut-être pas oublier l’essentiel, quand même !
Bah oui, je veux grandir moi ! Tout le monde est grand là-dedans, c’est pas parce que j’suis petite qu’il faut faire comme si on m’avait pas vu, hein !
Bon et puis zut.
Ils sont tous ailleurs, mais je m’en fiche, je veux grandir moi.
Et aller me relooker parce que ça va pas du tout ça. J’ai déjà tout prévu, vêtements, coiffures, maquillage.
Quand je reviens, je me dirige directement vers Mathieu pour aller l’embêter !
- Alors Mathieu, t’es toujours une poule mouillée ?
- Aïe ! Mais tu m’as pas prévenue !
- Bah non, c’est pas drôle sinon. Bon, j’ai prévu des trucs pour le lycée mais comme il y a toute ma famille on va pas en parler tout de suite, mais j’ai trop hâte !
- Ahah trop bien, moi aussi mais tu m'en diras plus !
Puis je me dirige vers tata.
- Tu vois, je suis aussi grande que toi maintenant ! Peut-être même que je te dépasse !
- C’est vrai ça, tu as grandi tellement vite… Rejoins-moi en bas quand tu peux, j’aimerais discuter avec toi un peu, ça fait longtemps, d’accord ?
- Ok tata, j’arrive dans 2 minutes.
Ma mère s’impatiente. Je la vois me regarder avec une si grande fierté. Alors qu’en vrai, elle a pas trop de quoi être fière… C’est vrai, je la malmène depuis presque toujours. Je m’en veux un peu quand même de lui faire subir ça, mais j’ai comme une pulsion, je ne saurais pas l’expliquer en fait. Mais j’ai constamment envie de voler des objets. On va pas se mentir, je ne les rends pas toujours. Presque jamais à vrai dire. Mais ça, maman ne le sait pas.
- Tu es si belle, Sarah, je suis si fière de toi, tu vas me rendre encore plus fière, n’est-ce pas ?
- Oui maman, bien sûr !
Quelle hypocrite je fais… Je la rends assez malheureuse comme ça, peut-être que je devrais arrêter. Mais ensuite c’est moi qui serais malheureuse… Allez, fais bonne figure. Un sourire à tout le monde et hop tu descends rejoindre tata.
- Tu es là ! Viens t’asseoir. Tu vas bien bichette ?
- Ben ouais, j’suis toujours contente quand tu viens nous voir tu sais bien, c’était important que tu sois là aujourd’hui. De quoi tu voulais me parler ?
- Et bien, déjà, j’aimerais savoir si tu veux qu’on fasse ta chambre ici, à la place de la mienne ? Je ne vis plus ici, ce serait normal que cette pièce te revienne.
- Bah non, je veux pas, j’ai déjà ma chambre, il faudra la refaire mais j’suis bien dedans, et puis ici c’est trop grand, et je préfère que ça reste comme ça, pour quand Cameron et toi venez passer du temps ici.
- Bon, très bien. On laisse ça comme ça alors. Et sinon… ta mère me parle régulièrement de tes déboires, tu sais…
- Ah bon, t’es au courant… ?
- Et oui… ta mère me dit tout…
- C’est nul, c’est parce qu’elle a pas grand monde dans sa vie, et t’es sa p’tite sœur presque fille aussi, alors elle fait des comparaisons, et je la déçois, et…
- Alors je te coupe, tu vas arrêter de dire des bêtises tout de suite. Elle ne fait aucune comparaison, enfin, peut-être, mais c’est seulement parce qu’elle m’a vue grandir, et que toi et moi on a grandi différemment, mais tu ne la déçois pas ! Tu sais, elle se sent impuissante et un peu coupable de ce que tu fais. Elle ne sait pas vraiment comment gérer ça et aimerait comprendre. Et moi aussi, j’aimerais comprendre.
- Bah, quand je dis à maman que je sais pas pourquoi je fais ça, c’est vrai hein ! Tu sais que toi je peux pas te faire marcher, mais je suis sincère quand je dis que je sais pas. C’est une pulsion, un besoin, j’en sais rien, j’ai toujours ressenti un vide au plus profond de mon cœur et j’espère pouvoir le remplir en volant des trucs…
- Et… ça marche… ?
- Ben… pas trop… Mais c’est devenu une habitude, et j’avoue que j’adore ça. J’aimerais arrêter pour faire plaisir à maman, et même à toi, mais en fait j’peux pas, c’est trop amusant !
- Ce vide que tu ressens… Tu saurais pourquoi ? Quelqu’un qui te manque, depuis toujours… Peut-être un père ? Ou moi, qui suis partie de la maison alors que tu étais encore toute jeune ?
- Non, c’est pas ça… toi je te vois souvent, alors c’est pas ça. Tu me manques quand t’es pas là mais là tout de suite je ressens toujours le manque alors ça peut pas être toi. Mon père bah… j’en ai pas, j’ai bien compris que j’avais un donneur et qu’il n’a rien d’un père. C’est peut-être ça… Mais je pense pas. Tata ? Tu étais là à l’accouchement de maman, tu peux me raconter ?
- Euh… Et bien, j’étais là, je l’ai accompagnée à l’hôpital, mais… ils n’ont pas voulu que je l’accompagne en salle de travail. Elle y est allée seule. Je ne pourrais pas t’en dire plus, et elle non plus. Elle a fait une sorte de malaise pendant l’accouchement. Elle t’a bien senti sortir… mais ensuite, plus rien. Ca a duré… je ne sais pas. Quelques minutes. Mais quand elle t’a entendue pleurer, elle a repris ses esprits et a pu découvrir ton joli minois. Elle était si fière de toi. Et elle l’est encore aujourd’hui, crois moi.
- Bah elle est fière, mais je la déçois quand même. Tata… Je peux pas arrêter, je sais pas, peut-être que j’ai une maladie, je peux pas m’en empêcher. Mais peut-être que je peux apprendre à être plus discrète, pour pas qu’elle le sache ?
- Ca peut être une solution oui… Mais tu sais que quand tu voles quelque chose, cela appartient à quelqu’un, et donc tu fais du mal à cette personne, indirectement.
- Mais c’est pas pareil, je la connais pas cette personne. Tata, je suis quelqu’un de gentil, je ferais jamais de mal à ma famille, ou même à mes amis… Enfin… à Mathieu, parce que j’ai pas d’autres amis… Mais les gens que j’aime, je les protègerais à tout prix. Je me fiche peut-être des autres, mais la famille c’est ce qu’il y a de plus important. Il faut bien trouver un compromis. Si je vole discrètement, ça dérange une personne inconnue, mais ça dérange pas maman qui n’est pas au courant. C’est bien comme ça, non ?
- Et du coup je suis ta complice. Ca ne me plait pas trop tout ça.
- Ah ouais, c’est vrai. Mais tu diras rien à maman, hein ? Et puis peut-être que j’arrêterais, et t’en sauras rien ! Maman elle te dira plus que j’ai volé et tout ira bien.
- Hum… permets moi de douter, quand même.
- Mais qu’est-ce que je peux faire, alors ?
- Ce manque, que tu ressens… Peut-être que tu le combleras un jour avec un homme, ou avec une femme… amoureusement parlant ?
- Euh… j’en sais rien, j’y ai jamais pensé. Mais ce serait bizarre de ressentir un manque amoureux depuis ma plus tendre enfance, non ?
- C’est vrai… Garde espoir, ça se calmera peut-être un jour, d’accord ?
- D’accord… tu dis rien à maman, hein ?
- Promis, ça reste entre nous. Mais essaie de limiter les dégâts, d'accord ?
- D'accord je vais essayer. T’es vraiment une tata géniale. Allez, on remonte pour pas éveiller les soupçons ?
- Quels soupçons ? Une tata a quand même le droit de discuter tranquillement avec sa nièce, non ?
En remontant, on prend une part de gâteau. Maman est une bonne cuisinière, ça aurait été dommage de ne pas y goûter quand même.
Maman part discuter sur le canapé avec Loïc et Lena. Ca lui fait plaisir de les voir à chaque fois.
Quant à moi, je profite que tout le monde discute dans un coin pour montrer mes plans à Mathieu.
- Tu vois, la dame de la biblio elle est toujours là, à son bureau, du coup ce sera facile de prendre des bouquins à l’opposé. Et puis après on pourra aller à la salle informatique.
- Mais c’est plus compliqué, tout est scellé dans la salle info !
- T’inquiète pas, on finira par trouver !
Je sais… Je ne suis pas fière. Mais c’est vrai ce que j’ai dit à tata, c’est plus fort que moi, comme si j’avais une maladie qui me force à faire ces choses-là…
Je suis vite interrompue par… Sumi… Ohlala il me fait si peur…
Je sais qu’il est gentil, enfin, il a l’air gentil, mais je me méfie de ces si grandes dents… Je me souviens encore des gros chiens de maman. Je n’ai jamais pu m’y faire. Comme je ne peux pas m’empêcher de voler, maman ne peut pas s’empêcher de vivre avec des animaux. C’est pas pareil, mais un peu quand même, non ? Bref, heureusement qu’elle a pris des petits chiens, je les aime pas spécialement, mais disons que je les tolère beaucoup mieux que les gros chiens…
Cousine Lena vient à ma rescousse.
- Ne t’en fais pas, il ne ferait pas de mal à une mouche, il est adorable, il veut juste une caresse !
- Mais Lena, j’ai peur ! Je peux pas, j’suis désolée !
Il a réclamé. Mais il n’aura pas sa caresse. Pas de ma part, en tout cas…
Je me sauve vite de la maison avec Mathieu pour rejoindre les quais. La nuit est tombée, il fait un peu froid, mais on est bien.
- J’suis sûre que t’es pas cap’ de sauter dans l’eau.
- Quoi ? Bah non, c’est beaucoup trop froid ! En plus il fait nuit, on y voit rien !
- Tu vois, t’es une poule mouillée !
- Et toi alors, tu y vas ?
- Non, ça va faire couler mon maquillage.
- Et après, c’est moi la poule mouillée ?
- J’te parie que je cours plus vite que toi et que j’arrive la première à la maison.
- Change pas de sujet !
- T’es déjà loooiiin derrière moi !
- Tu triches, t’es partie avant !
- POULE MOUILLEE !
- Aucun rapport !
C’est toujours comme ça avec Mathieu. J’crois que c’est mon meilleur ami. Bon, d’accord, c’est pas dur, c’est le seul. Mais c’est un véritable ami sur qui on peut compter. Je suis contente d’avoir quelqu’un comme lui dans ma vie. Même si je le taquine, je l’adore. Presque comme un frère…
-
Commentaires