Je suis rassurée de voir partir Anita à l’école, en sachant qu’elle connait ses origines. Je n’aurais pas voulu qu’elle l’apprenne par des élèves ou des parents mal intentionnés, même si nous avons pris nos précautions, nous ne sommes pas à l'abri d'un écart. Heureusement, nous habitons à la campagne, et personne encore n’a fait le rapprochement entre maman et Anita.

Il faut dire que tout joue en notre faveur : les enfants à l’école ont sensiblement le même âge qu’Anita, ils n’ont donc jamais connu la grande star mondiale Seren Berry, même s’ils en ont forcément entendu parler. Mais surtout, nous n’avons jamais donné la plus grosse information aux médias, tout s’est fait dans le secret. Pour l’administration, Anita est bel et bien la fille de Seren Berry. Pour les médias, si Seren Berry n'a pas survécu à l'accouchement, le bébé non plus… Nous avons décidé cela à l’époque pour ne plus être embêtés par tous ces paparazzi et ces journalistes qui voulaient tout savoir. L’administration de l’école est donc au courant, mais nous avons tout fait pour que cela ne s’ébruite pas, je ne voudrais pas qu’elle soit importunée, elle n’a rien demandé.

Aujourd’hui, même si l’on voit régulièrement des reportages sur maman à la télé, plus personne ne s’intéresse à sa famille, à moi, puisque je suis sa seule fille connue du grand public. Quant à Randy, il était moins connu que maman, et personne ne cherche à l’ennuyer. Ici, à Brindleton Bay, nous sommes tranquilles.

Je vis tranquillement entourée de mes animaux, qui me rendent heureuse. Havana commence à vieillir, et j’ai beau la laver régulièrement, son pelage ne retrouve pas l’éclat qu’il avait auparavant.

 

Celui qui m’inquiète, c’est Loki, c’est un vieux chat maintenant, et il tombe très souvent malade.

Je parviens à le soigner, pour le moment… Mais tout ça m’inquiète et je me demande s’il n’a pas quelque chose de plus important… Où est-ce seulement parce qu’il vieillit ?

En tout cas, à force d’étudier ces maladies et de tenter de le soigner du mieux que je peux, j’en oublie de dormir, et c’est vrai que parfois, je suis tellement épuisée que je m’écroule littéralement, sans pouvoir me relever.
Randy me le dit souvent, « il faudrait que tu penses un peu à toi, Judy ». Oui, oui, on verra.

Anita vit une vie d’enfant tout à fait normale. Le fait de tout savoir sur sa maman ne l’a pas perturbée, il faut dire qu’elle ne l’a jamais connue, alors elle n’est pas triste de son absence. Et même si l’on a perdu tonton Nolan dernièrement, la mort n’est pas encore quelque chose de très concret, pour elle. Il lui arrive de poser des questions sur maman, parfois. C’est une enfant adorable, elle n’hésite jamais à me donner un coup de main pour les tâches ménagères.

- Nini, tu n’as pas à faire ça tu sais, c’est à moi de le faire.
- Bah oui mais je peux t’aider quand même ! Et puis j’aime bien moi !

Bon, alors si elle aime bien, tout va bien. Elle s’occupe de remplir les gamelles des animaux aussi, parce que selon elle, je ne devrais pas être la seule à le faire. Je lui dis souvent que c’est moi qui ai choisi cette vie, mais elle me répond qu’elle en fait partie et qu’elle doit aider aux différentes tâches à la maison.

Il nous arrive de laisser Randy seul à la maison, maintenant. Il n’a plus la force de faire de longues marches, mais Cacahuète et Havana ont besoin de se dépenser. Le jardin, c’est bien, mais la plage, c’est mieux ! Anita aime m’accompagner.

Souvent, elle regarde des séries, des films dans lesquels maman a joué. « Pour apprendre à la connaître un peu » qu’elle dit. Même si elle sait que ce n’est pas vraiment elle, qu’elle jouait un rôle. Elle aime ces moments, qu’elle passe souvent avec Randy. Lui a plus de mal à regarder, mais il veut faire plaisir à sa fille. Moi, je ne peux pas, tout simplement. Cela me fait trop mal au cœur, je ne saurais pas l’expliquer mais je n’arrive à la voir qu’en photo.

- Sois pas triste, papa. Maman était jolie et je crois que c’était une bonne actrice. C’est l’impression que j’ai quand je la vois. Et c’est bien de pouvoir la voir comme ça, tu ne trouves pas ?
- Oui, c’est bien… Mais elle me manquera toujours, tu sais.

- Tu étais fière d’elle ?
- Oui, toujours, elle était impressionnante, je suis fière de tout ce qu’elle a accompli, mais surtout du dernier cadeau qu’elle m’a offert, et ce cadeau, c’est toi.

Anita est très proche de Randy. Il l’aide beaucoup pour faire ses devoirs. Je m’en veux de penser à ça, mais je redoute le jour où il nous quittera… Parce que c’est dans l’ordre des choses, n’est-ce pas ? Enfin, je sais bien que cela ne veut rien dire…

Il lui arrive de rapporter des projets scolaires, aussi, alors on l’aide, Randy et moi, comme il avait l’habitude de le faire avec moi quand j’étais petite.

Havana a fini par retrouver son beau pelage, mais ses poils noirs ont laissé place aux blancs, me rappelant sans cesse que les animaux vivent trop peu de temps… Avec tout ça, il a encore fallu que je soigne Loki qui montrait des signes de fatigue…

 

Anita reste très proche de Siggy, une des seules qui peut l’approcher.
Elle aime beaucoup jouer avec lui, d’ailleurs.

 

Souvent, je fais faire des parcours d’obstacles à Cacahuète, pour qu’il reste en bonne santé le plus longtemps possible, cela lui fait du bien de courir et de faire de l’exercice.

 

 

Je ne le fais pas avec Havana, c’est devenu une vieille mémère qui dort beaucoup.

Mais mes deux chiens s'entendent bien, ils sont souvent collés ensemble.

Nous avons décidé d’emmener tata Cléo au restaurant, parce qu’elle a besoin de sortir de chez elle, de voir autre chose. Magali, la femme de tonton Nolan nous a quitté il y a quelques jours et même si ce n’est pas aussi difficile pour elle que de perdre son mari et son frère jumeau, c’est encore un autre coup dur.
Ses enfants prennent soin d’elle, mais j’avais envie de faire plaisir à ma tante, moi aussi. Je ne sors pas très souvent, mais je peux bien faire l’effort pour ma famille.

 

Je la sens fatiguée. Physiquement mais aussi moralement. Elle tente de le cacher derrière un sourire, mais je vois bien qu’elle est triste. J’ai bien peur qu’elle ne se remette jamais de toutes ces pertes…

Par contre, ils se sont donnés le mot avec Randy…
- Alors Judy, tu n’es pas prête à nous présenter l’homme qui fera partie de ta vie ?
- Quoi ? Mais non, je n’ai pas d’homme dans ma vie et je n’y pense même pas.
- Eh bien… une femme peut-être ?
- Euh, non, une femme non plus. Je n’ai pas le temps de penser à tout ça, je préfère passer du temps avec ma famille et mes animaux.

Ca a duré tout le repas. Je ne comprends pas pourquoi ils cherchent à me voir en couple, cela ne m’a jamais traversé l’esprit. Et de toute façon, cela ne m’intéresse pas.

De retour à la maison, j’ai dû une nouvelle fois examiner Loki qui montrait des nouveaux signes de maladie. J’ai peur pour lui… Et si toutes ces petites maladies en cachaient une autre plus importante ?

Anita s’est interrogée suite à notre sortie au restaurant.
- Judy… est-ce que c’est de ma faute si t’as pas d’amoureux ?
- Quoi ? Mais non, bien sûr que non ! Qu’est-ce qui te fait penser ça ?
- Ben je sais pas… Tu dois t’occuper de moi depuis que je suis toute petite, parce que papa il est fragile et qu’il peut pas le faire tout seul. Alors t’as oublié de penser à toi…

- Mais non Nini ! Si je m’occupe de toi, c’est parce que je veux bien le faire. Et même, ta présence ne m’empêcherait pas d’avoir un amoureux… Disons que je ne suis pas intéressée par les hommes, ou par les femmes.
- Mais normalement on veut tous avoir un amoureux ou une amoureuse quand on grandit !
- Eh bien… Je crois que je ne suis pas normale, dans ce cas. Mais cela me convient très bien.

C’est vrai que je suis en âge de me marier, d’avoir des enfants… Mais honnêtement, je ne ressens absolument aucune attirance pour les hommes ou pour les femmes. Est-ce que cela fait de moi quelqu’un de bizarre ? Peut-être, mais c’est comme ça que je suis.