Judy

Je suis une adolescente plutôt solitaire. Disons que je n’ai pas besoin de la présence des autres pour me sentir bien. Et puis j’ai vite compris que la plupart ne sont pas intéressants. Ils m’ont d’abord rejetée, parce que j’étais une enfant non désirée et que mon père n’en a rien à faire de moi. C’est l’inconvénient de faire partie d’une famille médiatique. Au fil du temps, d’autres tentaient de se rapprocher de moi, mais là aussi, j’ai vite compris que ce n’était pas pour les bonnes raisons, et qu’ils s’intéressaient à moi parce que ma mère est une star mondialement connue. Je n’ai pas besoin de ces relations toxiques.

La vie que mène ma mère ne laisse que très peu de place à la vie privée. Je ne lui en veux pas, c’est ce qu’elle a toujours voulu, et elle a réussi, parfaitement bien. Et malgré son statut de grande actrice, elle a toujours trouvé du temps pour moi, quitte à sacrifier son bonheur.

Je ne parle pas beaucoup, je n’ai pas d’amis, mais j’observe, et c’est comme ça que j’ai su que ma mère et Randy feraient un couple idéal. Et puis je ne vais pas mentir, j’aime l’avoir à la maison aussi, il est tellement gentil, que ce soit avec elle ou avec moi. Il est comme un père pour moi, bien plus que le vrai ne l’a jamais été. Evidemment, je ne l’ai jamais vu, ce père qui ne voulait pas de moi. Je ne lui ai jamais parlé, et je n’en ai jamais ressenti le besoin. Il était plus ou moins connu, donc j’ai appris sa mort récemment. Il n’a jamais essayé de faire un pas vers moi, il n’était vraiment pas quelqu’un de bien. Je suppose qu’il ne manquera à personne. Et puis, ma mère a toujours été là, et j’ai Randy, maintenant.

Et surtout, j’ai ma grosse mémère, Havana, avec qui je passe énormément de temps. Contrairement aux humains, les animaux ne nous trahiront jamais, ne nous décevrons jamais.

Ma mère sait que je n’aime pas spécialement la vie de star. Je n’en suis pas une, mais je suis connue par procuration, sans jamais l’avoir demandé. J’ai peur qu’elle m’en veuille, mais j’aimerais vivre à Brindleton Bay, loin de tous ces projecteurs, plus tard. Je me vois vivre à la campagne, comme ma grand-mère et comme mon oncle et ma tante, entourée d’animaux. Je n’ai pas besoin d’autre chose.
Je suis heureuse, quand je suis avec Havana.

 

Malheureusement, ces moments avec elles sont souvent interrompus par la présence d’un paparazzi qui ne se gêne pas d’entrer dans la propriété privée de ma mère et qui prend des photos sans aucune autorisation. Même si ma mère adore cette vie, elle n’est pas d’accord quand ces gens entrent chez elle par effraction.

Je n’ose pas dire quoi que ce soit. Et de toute façon, à quoi bon ? Ils l’auront, leur scoop, quoi qu’on fasse. Bien que je ne vois pas trop l’intérêt de publier une photo de la fille de la grande Seren Berry en compagnie de son chien. Mais il en faut peu pour séduire les fans, et malheureusement je dois faire avec.

Havana essaie bien de les faire fuir, mais qu’on se l’avoue, elle ne fait peur à personne…

Et puis, elle a beau se montrer agressive, c’est surtout une grosse trouillarde qui prend peur dès que le lave-vaisselle se met en route…

 

Une petite caresse et tout finit par s’arranger.
- Je t’aime Havana, mais tu ne fais pas un très bon chien de garde !

Je suis détendue, quand je suis auprès d’elle. Comme si j’étais ailleurs. Et quand je m’occupe de ma chienne, je ne pense plus à rien, j’oublie tous ces paparazzi, ces flashs, cette presse, tout. Je profite de ces moments, comme n’importe quel adolescent pourrait le faire.

 

 

 

Et malgré tout, je ne regrette pas d’avoir cette vie. Elle ne me plait pas, mais c’est celle que ma mère a choisie. J’aime ma mère plus que tout, et si elle est heureuse, alors je le suis également. Et je me rends compte que tout ce temps, elle n’était pas pleinement heureuse. Aujourd’hui, avec Randy, elle l’est.

 

Seren

Il fallait que je trouve une solution pour cacher tous ces cheveux blancs. La meilleure solution que j’ai trouvée ? J’ai fait une couleur à mes cheveux, oui, encore une autre. Mais je suis loin de mes fantaisies de jeunesse, aujourd’hui, je découvre le blond, comme mon père, et comme mon frère et ma sœur. Cela ne me va pas si mal, finalement !

Avec Randy, on file le parfait amour. C’est peut-être ridicule, mais je me sens comme une adolescente quand je suis avec lui.

 

Il me parle souvent de bébé. Il sait qu’il peut considérer Judy comme sa fille, mais il aimerait avoir un enfant, qu’il puisse voir grandir. Mais… Est-ce vraiment raisonnable ? Je veux dire, je me sens jeune à ses côtés, mais je ne le suis plus vraiment… Pourra-t-on offrir une belle vie à cet enfant, pourrons-nous profiter de lui assez longtemps pour le voir grandir ? Alors je ne sais pas. Et je me vois demander des conseils à Judy. Quelle mère est aussi irresponsable que moi pour aller demander des conseils à sa fille adolescente ? C’est moi qui devrait lui donner des conseils, pas l’inverse… Mais ça me rassure de lui parler, finalement.

- Randy aimerait avoir un enfant, mais tu ne penses pas que ce serait irresponsable de notre part ?
- En quoi ce serait irresponsable ? Tu t’es toujours bien occupée de moi, je ne vois pas pourquoi ce serait différent avec une autre enfant.
- C’est pas ça… Mais… je ne suis plus aussi jeune que quand tu es née. J’ai peur qu’on ne puisse pas s’en occuper correctement quand on sera vieux.
- Dis pas de bêtises, mamie s’est bien occupée de tes neveux et nièce pendant des années alors qu’elle était plus âgée. Et puis je crois me souvenir vaguement qu’elle s’est occupée de moi, aussi.
- C’est vrai… Ta grand-mère adorait les enfants. Elle m’a beaucoup aidée avec toi, tu sais…

- Oui mais tu t’en es très bien sortie. Et je suis sûre que tu feras une très bonne mère pour ce second enfant. Et au moins, il sera désiré celui-là !
- Oh, Judy, je ne veux pas que tu m’en veuilles pour ça, je…
- Mais non, t’inquiète pas, je te dis ça sans aucune amertume, je ne t’en veux pas, au contraire : tu as été et tu es une mère exemplaire. C’est juste que cet enfant naîtra dans l’amour, c’est quand même important. Je sais que tu m’aimes, maman. Ne t’en veux pas pour des choses dont tu n’es pas totalement responsable. Je suis là et tu as toujours assuré. Pour l’avenir, pour un éventuel bébé, c’est à toi, et à Randy évidemment, de décider. Tu sais ce que j’en pense, maintenant.
- Merci Judy, ça m’a fait du bien de parler de ça avec toi.

Cette histoire me trotte dans la tête, et je ne suis pas encore certaine que ce soit une bonne idée. Mais plus le temps passe, et plus l’idée sera mauvaise… Le seul problème auquel je fais face, c’est l’âge. Parce que Judy a raison, Randy et moi, nous nous aimons, et ce bébé serait aimé par ses deux parents. Mais… Pendant combien de temps ? Quelle idée farfelue d’avoir un enfant à plus de 45 ans… Mais je ne serais pas la seule femme dans ce cas-là, d’autres l’ont fait avant. Pourquoi pas moi ? Ma fille m’a rassurée en me disant que j’étais une bonne mère. Je n’ai plus le même âge, mais j’essaierai de faire du mieux possible, si jamais ce deuxième enfant arrivait dans ma vie.
Et c’est vrai que le sujet revient souvent dans nos conversations.
- Mon amour, tu ferais le plus heureux des hommes si tu faisais de moi le père de ton enfant.
- Tu es sûr ? On se fait vieux, quand même.
- Mais on est bien conservé, tu ne crois pas ?

- Tu as raison ! Mais je ne sais pas, tu connais mon passé avec Judy et…
- Ce sera différent cette fois, je ne te laisserai pas tomber, tu le sais. Et je ne laisserai jamais tomber Judy, c’est comme ma fille, tu le sais. Je vous aime énormément, toutes les deux.
- Tu as raison… j’ai quand même un peu peur.
- Ca ira, tu es déjà une merveilleuse mère. Tu sauras comment faire avec ce deuxième enfant.
- Tu crois ? Hum… Alors… Pourquoi ne pas s’y mettre… Dès maintenant ?

Je ne suis clairement pas sûre de moi. Mais je ne serais pas seule, cette fois. Et peu importe ce qu’en dit la presse. Je fais ce que je veux de ma vie, après tout.
Je ne sais même pas si ça va fonctionner. Je ne suis pas sûre d’être aussi fertile qu’à l’époque, alors il nous faudra probablement plusieurs essais…

Les semaines ont passé, et même si l’essai bébé ne se transforme pas en réussite pour le moment, j’ai accompli autre chose dans ma vie. Quelque chose qui me tenait à cœur et que je rêvais de faire depuis toujours, depuis que j’ai mis les pieds à Del Sol Valley.
Aujourd’hui, je vais pouvoir poser ma dalle sur le grand boulevard.

Randy est fier de moi, mais Judy aussi. Elle qui n’est pas à l’aise dans ce monde a quand même fait un effort et elle est magnifique, dans sa tenue.

 

Je les ai aperçus discuter tous les deux, comme s’ils complotaient en secret. Qu’est-ce qu’ils mijotent, tous les deux ?

 

 

Mes fans ont commencé à arriver, petit à petit.

 

Puis Zack, et Cléo, ont fait le chemin pour me soutenir. J’aurais aimé que Nolan soit là, mais il est malade et n’a pas pu sortir de son lit. Peu importe, je sais qu’il sera là, devant sa télé, à me regarder, c’est au moins ça…

J’ai jeté un regard à Randy et Judy. Je sens leur amour et je suis si fière.

Et puis j’y vais.

 

Ca y est, je ne pouvais pas rêver mieux, j’ai tout ce dont j’ai rêvé dans ma vie. Et même plus encore.

J’ai signé quelques autographes et pris quelques photos avec les fans, avant que le plus gros de la foule s’en aille.

La nuit est tombée très vite, et alors que je m'apprêtais à remercier ceux qui étaient encore là, Randy s’est approché de moi, et je l’ai senti très tendu.
Il s’est retrouvé au sol si rapidement que je ne me suis pas rendue compte tout de suite ce qui était en train de se passer.
- Seren, mon amour, c’est une des plus belles journées pour toi, et je veux qu’elle soit encore plus belle que ce que tu ne l’imaginais. Je t’aime, de tout mon être, et je veux passer le restant de mes jours avec toi. Tu me rends fou, et je crois bien que je serais incapable de vivre sans toi. Seren, veux-tu m’épouser ?

 

Quelques fans sont restés dans le coin, ainsi que ma sœur, mon meilleur ami et bien sûr quelques paparazzi. Et ma fille, qui devait être dans le coup ! C’était donc de ça, qu’ils discutaient, tout à l’heure !
J’ai de nombreux témoins. Je suis la plus heureuse des femmes, et une seule réponse s’impose si simplement.
- Oui, Randy, mille fois oui !

Un moment censé être intime mais qui sera demain sur tous les journaux. De toute façon, j’avais signé, je savais que devenir célèbre rimait avait zéro vie privée. Cela ne me gêne pas. Je suis fière d’être vue avec Randy. Je l’aime et je ne cacherais ça pour rien au monde.

Je sais que cela dérange Judy, par contre… Elle n’a pas manqué de leur glisser un petit mot, elle qui pourtant est si discrète d'habitude. Mais elle n’a pas insisté. Ils sont trop nombreux et puis, ils savent bien où me trouver, alors ici ou ailleurs, tout se retrouvera dans la presse, quoi qu'il arrive. Et peu importe, je veux que tout le monde sache que je nage dans le bonheur.

J’ai pris Cléo dans mes bras. Je lui ai demandé si elle et Zack voulaient rester, mais ils ont préféré me laisser profiter de cet instant en amoureux.

Puis ma fille m’a enlacée.
- Je suis fière de moi maman, je t’aime.
- Je t’aime aussi, Judy. Petite cachotière !
- Mais c’est une belle surprise, non ?
- Elle est merveilleuse.

En rentrant, Judy est directement partie se coucher. Quant à Randy et moi… disons que j’avais envie de finir la journée en beauté.
- Et si… Et si on essayait, ici, t’en dis quoi ?

- J’en dis que… que c’est une super idée !

 

 

 

Qu’est-ce qui pourrait venir gâcher mon bonheur, désormais ? Je suis la plus heureuse des femmes, et rien ni personne ne pourra m’enlever ça.