Je rentre de cette entrevue avec mon frère très chamboulée. Qu’est-ce que j’ai fait… ?
Je sais que je me mets en danger, et je sais aussi qu’il n’est pas dupe, je joue à un jeu dangereux, mais il va falloir que je gagne sa confiance pour avoir une chance de récupérer des informations sur ce morceau de relique.

Quand je rentre à la maison, Eli m’attend. Pourquoi ai-je la sensation qu'il sait... ?

- T’es inconsciente Sarah ! Pourquoi tu m’en as pas parlé ?
- Je… Je voulais pas te mettre en danger, je…
- Mais tu t’es mise en danger en y allant toute seule ! J'ai pas dormi de la nuit ! Amelia est venue ici et m’a tout expliqué.

Amelia, évidemment qu’elle allait sentir que j’irais là-bas. Et il a fallu qu’elle en parle à Eli.

- Elle est encore là ?
- Sarah, il commence à faire jour, elle est partie. Tu te rends compte à quel point j’étais affolé quand Amelia a débarqué aussi inquiète ?
- Je suis désolée, il n’y avait pas d’autres solutions…
- Tu sais que tu t’es mise dans un beau pétrin maintenant ? Tu crois vraiment pouvoir faire confiance à ce monstre ?

- C’est… Je sais que c’est un monstre, mais je veux me rapprocher de lui. Oh je te vois venir, j’ai tiré un trait sur le fait que je puisse avoir un frère, un vrai, mais y avait-il un autre moyen d’avoir l’espoir de trouver cette relique un jour ?
- On aurait fini par trouver.
- Ca fait des mois, des années même, qu’on cherche ce morceau en parcourant le monde, sans trouver un seul indice quelque part. Il fallait bien que quelqu’un se bouge.
- Et comment tu vas te sortir de cet engrenage maintenant… ?

- Je trouve des infos sur la relique, on va la chercher, on l’assemble et on terrasse Vlad. C’est aussi simple que ça.
- Sur le papier c’est simple oui. Mais tu crois vraiment qu’il va te lâcher une info pareille aussi facilement ?
- Il y a forcément des indices au manoir de Vlad, j’en suis sûre. Si je fais en sorte qu’il me fasse confiance au moins un tout petit peu, je pourrais entrer dans le manoir, et y trouver quelque chose.
- Et si tu ne trouves rien ?
- Je trouverai. Je n’ai pas le choix, n’est-ce pas ?

J’ai bien conscience que mon plan est risqué, mais je commence à perdre patience.
Après toutes ces années à croire que mon frère pouvait être quelqu’un de bon, après avoir pensé que je pouvais me rapprocher de lui, d’une manière sincère, j’ai compris que ce ne serait pas possible. Le seul « frère » que j’ai, c’est Mathieu.
Quant à Arès, je sais maintenant à quoi m’en tenir. Je n’ai pas ressenti ce besoin de créer un réel lien avec lui, quand j’étais en face de lui. J’ai juste ressenti de la noirceur, et c’est cette noirceur que je dois détruire. Quoi qu’il en coûte.

Alors je commence à rassembler des infos pour lui. De fausses infos, pour ne pas nous mettre dans le pétrin, mais assez crédibles pour qu’il tombe dans le panneau. Mais je dois aussi y mettre quelques vraies infos, afin de ne pas risquer d’éveiller les soupçons si jamais il chercherait à vérifier la véracité de mes dires. Des infos qui ne nous feront pas défaut.
Ne pas trop en dire, mais suffisamment pour que notre pacte soit assez solide pour continuer.

 

Et en attendant, tenter de vivre une vie la plus normale possible.
Je dois profiter de mes enfants avant tout, parce que j’ai l’impression de manquer une partie de leurs vies, je ne les vois pas grandir et j’ai peur de les voir me le reprocher un jour.
Mais je pense que je me fais des idées. En tout cas pour le moment. Ils ont l'air heureux et c'est tout ce qui m'importe.

 

Lola commence à nous réclamer de nouvelles choses.
- Maman, je peux te demander un truc ? J’ai déjà demandé à papa, il a dit oui.

Evidemment qu’il a dit oui… Il ne peut rien refuser à ses enfants. Mais qu’a-t-elle pu lui demander ?
- Dis-moi tout, mon ange.
- A l’école, tu sais on commence à faire de la flûte, mais moi j’aime pas la flûte, parce que c’est quand même un peu nul. Mais j’aime bien la musique. Tu peux m’acheter un piano ?

Rien que ça. Et Eli a dit oui.
- Je vais en parler avec ton père. Mais tu sais, c’est un gros cadeau, un piano. Tu es sûre de toi ?
- Oui maman, s’il te plait, s’il te plait, s’il te plait !
- Ca va, ça va. On va voir ce qu’on peut faire.
- Merci maman, t'es la meilleure des mamans !

Ben voyons !

En réalité, je ne suis pas contre le fait de lui offrir un petit piano. Mais à condition que Malo et Mélanie aient aussi un joli cadeau, il n’est pas question de privilégier l’un de mes enfants plus qu’un autre.
Malo nous a dit qu’il voulait seulement un kit de docteur, pour apprendre à soigner les gens. Pas très demandeur, cet enfant ! Mais si ça lui fait plaisir, alors c’est parfait.

- En fait, j’aurais bien voulu autre chose mais je sais que c’est pas possible alors le kit de docteur c’est bien aussi.
- Autre chose ? Tu peux quand même nous le dire et on voit si c’est possible ou pas.
- Ben non, je sais que c’est pas possible. J’aurais bien voulu avoir un chien. Mais maman, t’aimes pas, alors finalement j’ai pas envie.
- Oui, effectivement… Je suis désolée Malo…

- Mais c’est pas grave, c’est pas ta faute si ça te fait peur. Tu sais, je pourrais en avoir un quand je serai plus grand et que j’habiterai plus avec vous !
- Vu comme ça ! Va pour le kit de docteur alors.


Mélanie n’est pas très exigeante non plus.
- Maman t’es pas obligée de nous acheter un truc à tous les trois. Je veux rien.
- T’es sûre ? Avec papa on aimerait te faire plaisir à toi aussi.

- Bon, il y a peut-être quelque chose, mais c’est pas vraiment un cadeau.
- Dis-moi.
- Ben… à l’école, il y a un club d’échecs. Je crois que j’aimerais bien apprendre à en faire, un peu… Puis en plus vous aurez même pas besoin d’acheter un échiquier, on en a déjà un, je pourrais m’en servir, hein ?
- Oh, alors on peut voir si les inscriptions sont encore ouvertes, et tu pourras en faire partie. Et bien sûr que tu pourras te servir de notre échiquier.
- Super ! Tu vois, tout le monde est content !

C’est ainsi que nous avons cédé. Oui, aussi facilement. Je dois dire que les activités de Malo et de Mélanie sont bien plus calmes que celle de Lola…

 

Mais je suis mauvaise langue, parce qu’elle débute mais elle joue déjà de jolies choses.

J’ai régulièrement tata Nini au téléphone, pour prendre des nouvelles. C’est important pour moi de garder le contact avec elle aussi souvent que possible. Elle va plutôt bien, même si ses articulations lui font mal de temps en temps.

Elle est fière de sa fille, puisqu’Ariane vient de décrocher son diplôme ! Et en plus de ça, il semblerait qu’elle ait trouvé l’amour. Avec une certaine Mélissa. Tiens c’est drôle, ce prénom me rappelle quelqu’un. Nini m’envoie une photo. Et effectivement, le monde est petit, c’est fou ! Ma cousine est en couple avec la belle-sœur de Mathieu ! Je leur souhaite bien évidemment le meilleur.

 

J’envoie un message à Mathieu, au passage.

                                   

 

Ces petits instants de vie me font du bien. Comme si l’espace d’un instant j’oubliais la face cachée, comme si je vivais une vie tout à fait normale. Comme si le mal n’existait pas.