Lola

 

L’ambiance se détend un peu au fil du temps, dans cette maison isolée, où tout le monde trouve sa place et surtout retrouve peu à peu le sourire. Evidemment, ça reste toujours difficile avec maman…

Elle essaie, pourtant. Pas avec Mélanie et moi, elle n’ose pas, je crois, parce qu’on l’envoie balader à chaque fois, et j’avoue qu’au fond de moi ça me fait mal, parce que j’aimerais comprendre tout ce qu’il se passe…

Mais avec Mathieu ça se passe bien. Il faut dire qu’il se connaissent depuis presque toujours, alors je crois qu’ils pourraient tout traverser ensemble. Apparemment, il a même réussi à lui décrocher un semblant de sourire.

 

Elle tente aussi de discuter avec Maria et Sam, au moins un peu. Elle ose même leur demander de faire des choses à la maison. Ca part d’un bon sentiment, parce que tout le monde doit participer à rendre la maison propre, et de ce dont je me souviens étant gosse, maman n’a jamais aimé le désordre.

Maria accepte volontiers d’aider, et elles discutent même un peu ensemble parfois. Je sens une petite pointe de jalousie chez ma sœur, mais quand je lui dis qu’elle peut aller discuter avec maman elle aussi, c’est un non catégorique.

 

Sam en revanche, n’est visiblement pas d’accord avec l’autorité qu’essaie d’avoir maman sur lui.
- T’as pas le droit de me donner des ordres, t’es pas ma mère.

Je comprends Sam, sa mère lui manque. Mais j’essaie de me mettre à la place de ma mère, et même si je lui en veux énormément, j’ai quand même de la peine, je n’aimerais pas être à sa place actuellement. C’est elle qui a la position la plus difficile à la maison, c’est elle que personne – ou presque – n’accepte. Et finalement, je m’en veux à moi-même.

 

Je dois comprendre ce qu’il se passe, il y a forcément une raison. Elle qui était une si bonne mère, ne peut pas avoir changé du jour au lendemain sans raison. Il y a forcément quelque chose…

Mais elle refuse d’en parler. Je sais que Mathieu est dans la confidence, mais il a promis, par respect pour ma mère, de ne rien dire.
- Ecoute, je sais que tu veux savoir, et j’aimerais t’en dire plus. Mais si tu dois apprendre quelque chose, il faut que ce soit de ta mère. Ce n’est pas mon rôle de t’annoncer tout ça.

Donc c’est bien qu’il y a quelque chose…

En attendant d’en savoir plus, je m’entraîne au piano, d’abord parce que j’aime ça, et puis ensuite parce qu’il faut avouer qu’il n’y a pas grand-chose à faire ici. Maria m’accompagne car elle aime beaucoup la musique elle aussi. Son truc à elle, c’est la guitare. Pas question de parler d’avenir cependant, puisqu’on n’a aucune idée du temps où l’on va devoir rester coincé ici, sans rien savoir.

Avec Maria, Sam et Mélanie, on s’allonge souvent pour regarder les étoiles. En se demandant si Malo, Noam, Séra et papa les voient aussi, de là où ils sont. Moi, je me demande surtout s’ils ne font pas partie des étoiles, puisque dans ma tête, ils sont morts…

Mais je n’en peux plus de ne pas être dans la confidence… Alors que tout le monde s’occupe à l’extérieur, je profite d’être seule dans la maison pour entrer dans la chambre de maman et Mathieu. S’il y a bien des indices à trouver, c’est forcément ici. Il y a bien cette relique que maman a rapporté et a posé sur la cheminée. Mais qu’est-ce qu’on peut bien faire de ça ? En tout cas, elle y tient beaucoup puisque je la vois souvent se poser devant et la regarder pendant des heures…

 

Il n’y a pas grand-chose dans la chambre, mais je trouve quand même une sorte de pistolet étrange que je ne préfère pas toucher, et un vieux bouquin planqué dans un tiroir de sa commode.

 

Ce bouquin, il semble parler de vampires. Mais pourquoi maman aurait un livre d’une créature imaginaire planqué sous ses fringues ? Il doit forcément avoir de l’importance, sinon il serait mis plus en évidence, genre dans la bibliothèque du salon.

Immédiatement, j’en parle à ma sœur.
- Je suis sûre qu’il y a un truc avec ce livre, il était caché, c’est pas pour rien, elle voulait pas qu’on le trouve.
- Mais Lola, les vampires sont une légende, ils n’existent pas.

- Je sais bien, mais avoue quand même que c’est bizarre.
- Tu l’as lu ?
- Je viens de le trouver, banane, j’ai pas eu le temps. Mais en feuilletant, j’y ai vu des notes, et ça parle d’un grand maître vampire et d’un clan qu’il dirige.
- Bah c’est une histoire, rien d’exceptionnel.
- Mélanie… j’ai du mal à y croire moi aussi mais… Et si c’était pas qu’une histoire ? Maman avait parlé d’un groupe de personnes malveillantes qui lui en veulent. Et si… Et si c’était… Un groupe de vampires ?
- Non ? Tu crois que les vampires existent et qu’en fait maman a un lien avec eux ?

- Et pourquoi pas ?
- Tu délires ma parole, ça te réussit pas d’être isolée au milieu d’une forêt, tu imagines des choses invraisemblables.

- Bah… Je crois que le mieux c’est d’aller lui demander.
- Pas question que j’aille lui parler, t’y vas toute seule, puis de toute façon c’est toi qui as trouvé le livre. Et puis j’ai pas envie de passer pour une idiote auprès de maman à raconter des histoires qui n’existent pas.

- Rhoo t’es pas sympa Mélanie… Allez viens lui parler avec moi !
- JAMAIS !

Elle est partie dans sa chambre. Bon. J’ai bien l’impression que je vais devoir affronter maman toute seule avec ce bouquin et cette histoire délirante.

 

Mais je ne sais pas comment faire. Je ne sais plus lui parler… La nuit porte conseil parait-il...

Mais je ne parviens pas à trouver le sommeil.
- Mathieu, dis, tu peux m’aider ?
- Oui, tu as besoin de moi pour faire quoi ?
- A vrai dire, j’aimerais que tu viennes avec moi pour… pour parler à maman…

- Lola, si tu veux parler à ta mère, tu n’as pas besoin de moi. Elle ne demande que ça, que ses filles aillent vers elle. Vas-y, vous en avez besoin, l’une autant que l’autre.
- Je…

- Si jamais ça ne se passe pas bien, je ne suis pas très loin, de toute façon.
- Oui, c’est vrai… Merci Mathieu.

Bon, il m’a pas beaucoup aidée en fait. Mais il a raison. Si je dois parler à ma mère, j’ai pas besoin d’un intermédiaire ou d’un chaperon, je dois pouvoir être capable de le faire toute seule, comme une grande.

Je prends une grande inspiration, et me dirige vers elle. D’une voix un peu tremblante, je me lance :
- Maman… Je peux te parler ?