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Challenge Génération - Sarah : Chapitre 9
Je vis une période difficile. A vrai dire, depuis que l’agent Fournier a débarqué à Brindleton Bay, ma vie est devenue hors de contrôle. Eli a raison, je m’impose des limites alors qu’elles n’auraient peut-être pas lieu d’être, mais je suis dans le flou total, quand je vivais à Brindleton Bay j’avais des projets d’avenir, je m’imaginais vivre dans une jolie maison avec une grande famille, et vivre de ma passion sportive. Mais la vie en a décidé autrement.
J’étais à deux doigts de réaliser une petite partie de mon rêve, avec ce bébé. Mais les conditions de vie n’étaient pas là, mon corps a décidé que ce n'était pas le moment. Je suis complètement perdue.
Mais je dois bien l’avouer, avoir Eli à mes côtés m’aide énormément. Il veille sur moi, et ça me fait beaucoup de bien. C’est difficile, évidemment, mais il m’aide à ne pas perdre pied. Et je sais qu’il va falloir qu’on ait une discussion avec notre patronne.
Je parviens à retrouver le sourire grâce à lui, l’espace d’un instant où tous mes soucis s’envolent.
Mais la réalité revient au galop, quand j’imagine mon avenir, je ne vois rien. Parce que je ne parviens pas à me projeter.
Ma famille me manque, maman m’inquiète depuis qu’elle est toute seule, depuis qu’elle a perdu ses chiens. Mathieu me manque. Tata me manque, et je suis triste de ne pas mieux connaître ma cousine qui grandit si vite.
Tata m’a envoyé des photos, c’est fou ce que le temps passe vite. Et en même temps, j’ai l’impression d’être hors du temps, de louper toute la vie de ma famille que j’ai abandonnée. Comme si j’avais été effacée de leurs vies.
Ariane est si mignonne. J’espère pouvoir la revoir, bientôt.
En attendant, j’essaie de me détendre du mieux que je le peux, entre deux missions. La méditation ainsi que le yoga me font un peu de bien.
Puis à un moment donné, il faut savoir se jeter à l’eau. Je suis prête – quoique pas vraiment – à discuter avec l’agent Fournier. Eli est confiant, je ne le suis pas du tout.
Mais on y va. Si je veux pouvoir avancer, il faut que j’aie cette conversation.
- Entrez, asseyez-vous, agents Berry et Jones. Je suis à vous dans 30 secondes.
Elle termine quelque chose sur son ordinateur alors que le stress monte en moi, ou plutôt est sur le point de me faire exploser. Mais elle reprend la parole.
- Bien. Vous vouliez me voir ? Expliquez-moi tout.
Je me lance. Enfin, j’essaie.
- Je… je ne sais pas comment aborder le sujet avec vous, agent Fournier, je… voilà, je suis un peu perdue face à ma nouvelle vie et…
Eli me coupe la parole. Ou essaie de sauver mes arrières, peut-être. Mais pour le coup, ça m’énerve.
- Voilà agent Fournier, ce que Sar… ce que l’agent Berry essaie de vous dire, c’est qu’elle se demande si elle peut avoir une relation amoureuse étant donné la nature de son travail.
- Oh, et bien oui, bien sûr, vous pouvez être en couple, mais vous ne pouvez tout simplement pas discuter en détail de votre travail et vos missions avec votre compagnon.
- Et bien, c’est-à-dire que… et si… mon compagnon… savait déjà ce que je fais ?
- Comment ça ? Vous avez tout dévoilé à quelqu’un sans…
- Non, enfin je veux dire, il est là. C’est l’agent Jones.
- Oh, je vois. C’est encore mieux alors. Vous n’avez pas d’inquiétude à avoir, agent Berry, rien ne vous interdit d’avoir une vie de couple, et même une vie de famille si vous le souhaitez.
Elle marque une pause, comme si elle réfléchissait. Je la vois partir dans ses pensées, l’espace de quelques secondes, puis je la vois se lever et se diriger vers moi.
Elle prend une voix douce que je n’ai pas l’habitude d’entendre. Puis pour la première fois, elle m'appelle par mon prénom.
- Sarah, je comprends vos inquiétudes. Sachez que je ne vous veux que du bien, je veux que vous soyez heureuse dans votre vie. Vous avez perdu beaucoup, mais vous réussirez à combler ce manque qui vous ronge depuis si longtemps.
Que… Comment sait-elle que je ressens un manque depuis longtemps, si ce n’est toute ma vie ?
- Vous aurez des enfants, Sarah, avec l'agent Jones peut-être. Ne vous mettez pas la pression, vous pouvez vivre une vie parfaitement normale en dehors de vos missions. Elles sont importantes évidemment, mais votre vie personnelle l’est aussi. Le travail ne devrait pas mettre un frein à votre bonheur. Et dites-vous bien une chose, ce n’est pas de votre faute.
Je ressens au plus profond de moi tout ce qu’elle est en train de me dire. « Ce n’est pas de votre faute », je sais qu’elle parle de mon bébé. Mais comment le sait-elle ? Comment peut-elle savoir autant de choses ? Oh non, est-ce que je suis surveillée ? Ca n’a pas l’air d’être ça. C’est comme si elle et moi avions une sorte de connexion. Mais comment l'expliquer ?
A ce moment-là, elle me prend dans ses bras.
- Prenez confiance en vous, Sarah. Vous êtes un agent exceptionnel et avoir l’agent Jones à vos côtés ne peut être que positif.
- Merci, agent Fournier.
- Vous avez besoin de vous ressourcer. Vous avez quelques jours avant de partir pour votre prochaine grosse mission. Profitez-en pour aller voir votre famille, n’est-ce pas quelque chose dont vous avez besoin ?
- Je… Oui, terriblement.
- Alors qu’est-ce que vous attendez ? Partez de ce bureau et organisez une journée en famille !
Je suis rassurée. Eli avait raison. L’agent Fournier a été si bienveillante avec moi, bien loin de l’image qu’elle avait laissé paraitre la première fois que je l’ai rencontrée. J’ai un sentiment étrange qui m’envahit, comme si elle était plus proche de moi qu’elle n’en avait l’air. Mais c’est idiot.
Evidemment, être rassurée sur le fait que je puisse avoir une vie de famille ne va pas me pousser à l'avoir dès maintenant, mais au moins, savoir que c'est possible me fait beaucoup de bien et me soulage un peu. Je pense à ce bébé qui aurait pu voir le jour et j'ai un petit pincement au coeur, mais je me rends à l'évidence : ce n'était juste pas le bon moment...
De retour à la maison, je m’organise, j’appelle maman pour la prévenir que je vais pouvoir venir la voir, elle est ravie !
J’aurais aimé revoir tout le monde, mais je sais que je n’aurais pas le temps. Une prochaine fois, peut-être, mais au moins, je verrais maman.
Nous prenons la route sous la pluie, mais maman m’a prévenu de prendre une tenue d’été, puisqu’à Brindleton Bay le soleil est bien présent.
Elle ne m’avait pas menti. Ca fait drôle de revenir ici, après tout ce temps. Ca fait encore plus drôle de frapper à la porte de la maison dans laquelle j’ai vécu tant d’années.
Eli reste en retrait, un peu timide alors qu’il ne l’est pas vraiment habituellement. Mais il va rencontrer ma mère, alors il a de l’appréhension. Pourquoi ? Ma mère est géniale.
- Maman, ça me fait un bien fou de te voir, si tu savais !
- Sarah, qu’est-ce que tu es belle ! J’ai l’impression de ne pas t’avoir vue depuis des mois !
- C’est le cas, maman… je suis désolée pour ça, mon travail me prend beaucoup de temps et…
- Ne commence pas à vouloir t’excuser, tu es là maintenant, c’est le principal, non ?
- Oui, c’est vrai, tu as raison.
- Mais alors, tu ne me présentes pas ce charmant jeune homme ?
- Euh oui, pardon ! Maman, voici Eli, Eli voici ma maman.
- Enchanté Mme Berry, vous avez une très jolie maison et…
- Pas de ça avec moi mon cher Eli, vous m’appelez Judy, et ce n’est pas négociable ! Installez-vous tous les deux, les invités vont bientôt arriver.
- Les invités ?
- Quoi, tu croyais que je ne te voulais rien que pour moi ? C’est vrai ma fille, mais plus on est de fous, plus on rit, n’est-ce pas ?
En effet, tata, Cameron et Ariane arrivent peu de temps après Eli et moi.
Je suis si contente de revoir ma tante, parce que ça fait une éternité que je ne l’ai pas revue, et puis parce que je ne m’attendais pas à la revoir aujourd’hui !
Puis la petite Ariane me tend ses bras pour que je lui fasse un câlin.
- Ariane, tu as tellement grandi, tu étais petite comme ça la dernière fois que je t’ai vue !
- Maman m’a expliqué que tu avais un travail compliqué, et que tu pouvais pas nous voir souvent, mais elle me parle souvent de toi, alors c’est comme si t’étais un peu avec nous, finalement !
- Oh, c’est adorable !
- Olala, t'as des gros muscles, tu dois être trop forte !
- Ahah, je fais ce que je peux !
Entre temps, les parents de Mathieu arrivent. Maman m’explique qu’elle est devenue très amie avec eux et ça leur faisait plaisir de me revoir. Je suis contente de les revoir aussi, mais je ne vais pas mentir, j’aurais aimé que leur fils soit présent aussi…
Avec tout ça, j’ai à peine remarqué la nouvelle habitante de la maison. Parce que oui, maman a craqué. Elle est incapable de vivre sans animaux, alors elle a recueilli une petite chienne âgée qui allait partir à l’euthanasie.
Maman connait mon amour pour les chiens, donc évidemment je ne vais pas vers elle, mais je trouve que cette chienne a beaucoup de chance d’être tombée sur quelqu’un comme maman.
Puis maman me demande d’aller chercher quelque chose dehors. Je ne trouve pas ce qu’elle me demande, et au moment où je m’apprête à faire demi-tour, quelque chose, non, quelqu’un m’interpelle.
- C’est pas vrai, MATHIEU !
Je cours vers lui et lui saute dans les bras. Ca me fait un bien fou de le revoir ! Il m’a tellement manqué !
- Je suis trop contente, si tu savais !
- Sarah ! Moi aussi je suis content de te voir, mais tu m’étouffes !
- Pardon ! T’es toujours une poule mouillée toi dis donc !
- On change pas une équipe qui gagne !
Il se tourne vers la femme qui était restée en retrait.
- Séra, je te présente mon amie d’enfance, Sarah. Sarah, je te présente ma future femme, Séraphine.
- Future femme ? Tu vas te marier et tu m’as rien dit ?
- Quand j’ai appris que t’allais venir à Brindleton, je me suis dit que j’allais te le dire en personne !
- Et bien enchantée Séraphine !
- Tu peux m’appeler Séra ! J’ai énormément entendu parler de toi, vous en avez fait des choses toi et Mathieu !
- Séra, Sarah, c’est drôle ! Moi aussi j’ai quelqu’un à vous présenter. ELI ! Viens voir ! Voilà Mathieu, mon meilleur ami, et Séra sa future femme !
- Enchanté !
On discute ici quelques minutes, j’apprends que Mathieu est devenu tonton, sa sœur Charline a donné naissance à des jumelles, et qu’il a demandé Séra en mariage il y a à peine une semaine. Je pense déjà à son mariage, je ne sais pas si je pourrais être présente, mais j’aimerais énormément.
Finalement, d’une journée avec ma mère, je me retrouve à passer la journée avec tous les gens que j’aime.
Je passe vraiment une bon moment, je ne pense pas du tout à mon travail et je suis sereine. Comme un retour en arrière. Nous parlons de tout et de rien, évidemment je ne peux pas vraiment parler de ce que je fais, mais tout le monde est ravi de faire la connaissance d’Eli qui est le seul point d’attache à ma nouvelle vie qu’ils peuvent connaitre.
La journée passe à une vitesse folle, et je savoure l’instant présent mais je sais que je ne pourrais pas les revoir tout de suite. Alors j’ai besoin de ramener quelques souvenirs avec moi.
Quelques photos qui me suivront et qui me rappelleront que je ne suis pas seule.
Nous rentrons tard à San Myshuno. Ici, la vie est complètement différente. Le calme de Brindleton Bay me manque, parfois. Ici, c’est toujours très bruyant.
Mais on s’y fait. Et je peux enfin espérer pouvoir avancer dans ma vie. Espérer fonder une famille avec Eli, malgré nos emplois du temps chargés. Il faudra évidemment s’organiser, mais on y arrivera, j’en suis sûre !
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