Plus d’un an a passé depuis que le chiot de Jax et Bonnie a quitté la maison. Même si ça a été dur pour Sarah au début, elle s’est très vite remise de ce départ.
Avant tout parce qu’elle a pu revoir sa tata, qui est venue lui faire la surprise de venir la voir. Pour des raisons pratiques, j’avais été informée de sa venue. Elle tenait quand même à nous présenter Cameron.
Nini avait l’air très amoureuse, et bien que je ne connaisse pas Cameron, à ce moment-là, je pouvais déjà ressentir tout l’amour qu’il portait à ma petite sœur.

 

Sarah était ravie de voir sa tante. Pour Cameron, elle avait été un peu plus sur la réserve.
- Bonjour, Cameron c’est ça ? T’as intérêt d’être sympa avec ma tata, sinon tu vas voir !
- Bonjour, Sarah ! J’ai beaucoup entendu parler de toi, et tu n’as aucun souci à te faire, j’aime énormément ta tata !

Pendant cette année, ils sont venus très souvent, à chaque vacances. Sarah a pu profiter de sa tante et moi de ma petite sœur. Cela faisait du remue-ménage à la maison, mais comme on a gardé l’ancienne chambre de Nini, les deux amoureux pouvaient y être tranquilles. Et puis un jour, Cameron s’est décidé à demander une chose très importante à Anita. Sur le phare de la ville où elle a grandi, c’était pour lui symbolique.

Autant dire que ma petite sœur était sur un petit nuage.

Cameron et Anita en ont beaucoup discuté, et même s’ils vivent désormais loin de la ville où a grandi Anita, Cameron tenait à ce que leur mariage se déroule ici, en petit comité, rien de grandiose, mais un petit mariage qui resterait tout de même mémorable pour eux.

 

J’ai trouvé ma sœur magnifique ce jour-là. Bien sûr, c’est tout le temps le cas, mais elle était radieuse dans cette robe. Je suis persuadée que Cameron saura la rendre heureuse.

Sarah était vraiment la plus heureuse des enfants, à faire la pitre avec sa tante.

 

Et c’est vrai, j’ai joué le jeu, moi aussi.

Aujourd’hui, tout va toujours aussi bien pour ma sœur et Cameron. Seule ombre au tableau, Cameron aimerait fonder une famille, mais Anita est toujours aussi terrorisée à l’idée d’être enceinte un jour. A cause de ce qui est arrivé à maman. Ce n’est pas un non définitif, mais cela n’empêche pas Anita d’avoir des craintes et de repousser ce moment. Peut-être qu’un jour, je serai tata à mon tour ? Moi qui pensais ne jamais être maman ? Rien n’est impossible, après tout.

Je me suis mise à écrire plus sérieusement, et publie des livres de dressage. J’avais longtemps essayé mais rien ne fonctionnait, selon moi. Maintenant, je suis assez calée sur le sujet – enfin, c’est ce que je crois et espère – et j’aime le fait de pouvoir écrire pour aider des gens à mieux s’occuper de leurs animaux de compagnie.

Jax et Bonnie sont toujours en pleine forme, et m’annoncent l’arrivée d’invités avant même que la sonnette ne retentisse. Bien souvent, Anita vient nous rendre visite. Parfois seule, parfois avec Cameron. Mais toujours avec le sourire, heureuse de retrouver sa nièce.

Sarah grandit si vite !
- T’as vu tata, on est coiffées pareil maintenant !
- Oui c’est vrai, tes cheveux ont bien poussé !

Je sais qu’elle continue ses bêtises, mais elle a l’air de ralentir un peu la cadence. Je crois que le fait de lui avoir installé une échelle dans le jardin lui permet de canaliser un peu sa colère et de combler tant bien que mal ce manque qu’elle ressent toujours.

Et puis elle grandit, elle mûrit, au moins un peu. Cela me permet aussi d’aller faire des balades nocturnes, même quand Sarah est à la maison, cela ne me fait plus peur de la laisser seule quelques minutes, je la considère assez grande maintenant.

Jax et Bonnie ont besoin de courir, de toute façon. Même si parfois ils aiment s’attaquer aux petits animaux sauvages. Ou du moins essayer.

Mais c’est toujours la même rengaine. Au retour de ces promenades, les chiens sont toujours dans un état pas possible.

Si Jax adore passer un moment au bain…

Ce n’est absolument pas le cas de Bonnie qui prend ça comme une torture.
- Mais il faut bien y passer ma fifille… Tu vas être toute belle, toute propre, voilà. C’est pas si terrible ?

Evidemment, elle se venge en se sauvant de la salle de bain à peine essuyée, pour se gratter le dos sur le parquet afin d’enlever toute trace de lavage.

C’est dur pour ma fifille, elle est en forme mais elle se fatigue vite. La raison ? Elle attend de nouveau des petits.

Et si parfois elle donne l’impression d’être une jeune chienne très énergique, il lui arrive de s’écrouler sur le sol pour faire une petite pause. C’est plus difficile que la première fois, pour elle.

Mais c’est tout simplement parce que cette fois-ci, ils sont trois !

Et que ce soit elle, ou Jax, ils ont toujours un œil sur leurs petits ! Ils sont si adorables !

 

 

 

Par contre, je n’ai plus l’habitude d’avoir autant d’animaux à la maison, et même si je sais que les trois petits ne sont là qu’à durée déterminée, il faut quand même s’en occuper, et je n’ai plus l’énergie de mes 20 ans…

Cette fois, Sarah se fiche des chiots et les ignore complètement. Sa nouvelle passion, c’est cette échelle du jardin, sur laquelle elle va jouer même par temps de pluie.

Tant qu’elle ne tombe pas malade…
Et puis, je n’ai pas le courage de la réprimander. Je suis décidément trop faible. Il faut dire que ces chiots m’épuisent, et si ces derniers temps je peux m’endormir n’importe où, je dois bien avouer que le canapé est quand même plus confortable que mon parquet.

Bonnie doit être fatiguée, elle aussi, puisqu’elle vient souvent me rejoindre pour faire une petite sieste.

Avec tout ça, c’est ma fille qui s’occupe de faire le ménage, au milieu de toutes ces boules de poil qui courent partout.

Heureusement, il y a des moments bien plus calmes ou les trois chiots dorment tous ensemble, et surtout en même temps.

Si Sarah ignore les chiots, j’imagine que c’est parce qu’elle ne veut pas s’y attacher comme c’était le cas avec le premier. Mais c’est aussi parce qu’elle s’est fait un copain, à l’école. Elle passe beaucoup de temps avec ce jeune garçon.

Elle a eu beaucoup de mal à sociabiliser avec les autres. C’est sans doute de ma faute. C’est vrai que je ne montre pas l’exemple, et puis on vit dans une maison qui est un peu éloignée de tout. Le fait, en plus, qu’elle dise à ses camarades qu’elle n’a pas de papa, n’aide pas non plus : la plupart de ses camarades se moquent de cette « absence ». C’est bien une chose que je redoutais, et voilà que ça lui retombe dessus, elle qui n'a rien demandé… Mais ce petit garçon qui est devenu son ami se fiche de tout ça. Lui vit dans une famille assez atypique également, et il se fiche bien de savoir d’où vient Sarah et la raison pour laquelle elle n’a pas de papa.

Ce petit garçon donc, s’appelle Mathieu. Il vient de temps en temps à la maison, ou bien Sarah va chez lui.
« Parce qu’ils ont un coin d’eau dans leur jardin où on peut se baigner, c’est trop bien ! », m’a-t-elle dit.

Elle trouve drôle le fait qu’il ait la même coiffure que le mari de sa tata, aussi.

Ils semblent vraiment très complices, tous les deux. Ca me fait plaisir de voir que ma fille s’est trouvé un ami sur lequel elle peut compter, j’en suis sûre. Bien évidemment, cela reste une amitié enfantine, mais cela n’enlève pas l’importance de leur relation.

Je n’oublie pas mes chiens pour autant, et il est temps de mettre les trois petits chiots maintenant sevrés à l’adoption. C’est une association qui les récupère, cette fois. Ils ont eu beaucoup de demandes et ils savent que ces trois chiots seront très vite adoptés par de gentilles familles prêtes à rendre heureux des animaux.

J’ai un petit pincement au cœur, comme à chaque fois, mais je me console en sachant qu’ils vivront heureux. Et puis j’ai toujours mes deux loulous, qui ne manquent pas de m’indiquer leur présence en gémissant et en surveillant bien que je ne fasse rien tomber sur le sol pendant que je prépare à manger.

Ceci dit, je remarque que Bonnie semble affaiblie.

Il semblerait qu’elle se soit fait mordre par une petite bestiole dans les buissons, peut-être un écureuil qui a cherché à se défendre. Rien de grave, heureusement.

Puis je me retrouve comme d’habitude, quand Sarah dort, joue, ou est à l'école, sur mon ordinateur à essayer d’écrire un nouveau guide de dressage. Ma sœur m’appelle au même moment, et c’est un très bon timing.
- Tu tombes bien Nini, mon PC vient de me faire un écran bleu, Cameron est dans le coin ? Il pourrait m’indiquer la marche à suivre pour le remettre en route ?
- Il est là je vais te le passer !
- Super, merci beaucoup.

J’ai la chance d’avoir un beau frère informaticien, parce que je suis bien incapable de réparer ça toute seule !

Pendant ce temps, les enfants s’amusent sur l’échelle dans le jardin. Voir Sarah avec son si joli sourire s’afficher sur son visage me remplit tellement de joie, je suis heureuse qu’elle soit tombée sur un jeune garçon si gentil, et qui est devenu un très bon ami pour ma fille.

Mathieu est presque tout le temps fourré à la maison. J’ai l’impression que Sarah et lui sont devenus inséparables ! Et j’aime voir ma fille heureuse, Mathieu m’a tout l’air d’être un petit garçon adorable. Et peut-être qu’il réussira à la canaliser. Depuis quelques temps, je ne vois plus d’objets qui ne nous appartiennent pas. Est-ce que Sarah a enfin arrêté « d’emprunter » toutes sortes d’objets ? Ou alors est-elle plus discrète… ? J’essaie de me persuader que c’est ma première pensée, mais à vrai dire je n’en sais rien…
Et peut-être que Mathieu n’en sait rien non plus !

J’essaie de ne pas trop y penser. Ma fille est heureuse, c’est tout ce qui compte pour moi. Elle n’a pas besoin de me dire quoi que ce soit, je le vois dans son regard, elle semble épanouie.

Quant à moi, je me prépare à accueillir de nouveaux habitants très bientôt. Mathieu a été témoin du nouveau rapprochement entre Jax et Bonnie, et voilà que cette dernière attend de nouveau des petits.

Elle est encore en pleine forme, et elle est encore capable de porter la vie. Mais je dois faire attention à elle, je ne voudrais pas que cela impacte sur sa santé. Pour le moment, pas d’inquiétude, elle est encore jeune ! Et elle et Jax sont toujours aussi heureux d’aller courir dans la nature !

 

Si bien que je suis incapable de les suivre, ils ont encore tellement d’énergie !

Ils en ont bien plus que moi, c’est certain. Déjà que je ne suis pas sportive, alors pas question de leur courir après ! Enfin je ne me fais pas de soucis, je sais qu’ils ne restent pas bien loin de moi en général. A la maison aussi, ils mettent un peu de bazar en sortant tous leurs jouets. Je n’ai plus le courage de tout ranger derrière eux, tous les jours, alors c’est vrai que je laisse souvent tout trainer…

Pendant les vacances, Nini décide de venir passer quelques après-midis avec nous. Elle est toujours contente de faire la surprise à sa nièce en l’attendant dans sa chambre, corrigeant quelques copies.

Sarah est à chaque fois ravie de voir sa tata. J’aime beaucoup les voir ainsi, si proches l’une de l’autre. Ce sont les deux personnes les plus importantes dans ma vie, alors cela me réchauffe le cœur de les voir avec le sourire jusqu’aux oreilles dès qu’elles se revoient.

Comme il fait beau, on en profite pour passer du temps dehors, Sarah ayant souhaité faire une bataille d’eau.

Ma sœur et ma fille s’amusent tellement ! Quand je vois Nini avec ma fille, je ne peux pas m’empêcher de remarquer qu’elle ferait une très bonne mère. Bien sûr, je ne lui en parle pas, je sais que c’est un sujet sensible et je ne préfère pas la contrarier.

Je sens les chiens s’agiter près de nous, et remarque que Bonnie n’a pas l’air de se sentir très bien.

Je laisse les filles s’amuser entre elles, et je ramène Bonnie à la maison. Je crois qu’il est temps pour elle d’avoir ses petits !

Jax nous rejoint également, il doit sentir que c’est le moment, lui aussi.

Après quelques heures de travail, me voilà avec trois nouveaux petits chiots à la maison ! C’est parti pour quelques semaines de travail et de fatigue ! Mais ils sont si adorables !

Le temps est clément en ce moment, et si Nini ne reste pas longtemps, Mathieu lui est toujours dans le coin, prêt à passer du temps avec Sarah. Alors que je suis à la maison, les enfants peuvent s’amuser non loin de là, où je peux encore les surveiller.

 

Tout en jetant un œil sur les petites terreurs à la maison !

Bonnie et Jax ont un œil sur eux aussi, mais c’est vrai qu’ils ont tendance à faire des bêtises si on ne leur dit rien…

La nuit étant proche de tomber, je propose à Mathieu de rester manger à la maison, et de le raccompagner chez lui ensuite, pas question de le laisser rentrer seul en pleine nuit !

Il accepte, ce qui lui permet de passer encore plus de temps avec Sarah, et de s’amuser, dans le jardin cette fois.

Puis il est l’heure de manger.
- A table, les enfants !
- On arrive !

- Huuuum, ça sent trop bon Mme Berry !
- Merci Mathieu, mais pas question de m’appeler comme ça ! Tu m’appelles Judy, d’accord ?
- Euh, oui, d’accord Judy !

On passe le repas entre remerciements et blagues, Mathieu a l’air un peu gêné mais il prend ses aises rapidement. Et puis il connait Sarah depuis un petit moment, maintenant.

- Merci Judy, c’était vraiment trop bon ! Je pourrais revenir manger ici ?
- Mais oui bien sûr, quand tu veux, la porte est toujours ouverte pour toi !

Le temps de faire la vaisselle, les enfants jouent un peu avant que Mathieu ne rentre chez lui. J’ai plutôt l’impression de les voir manigancer quelque chose, puisqu’ils font des messes basses. Mais cela ne doit pas être bien méchant… A moins que… Sarah n’entrainerait-elle pas Mathieu dans ses bêtises… ? Non, je dois arrêter de me faire des idées.

 

Je raccompagne Mathieu chez lui, discute rapidement avec ses parents, et rentre écrire un peu.

Le temps passe et les journées se ressemblent.
Puis je reçois des coups de fil de l’école. Sarah continue ses « emprunts », et visiblement elle n’est pas seule. Mathieu…
J’ai besoin d’avoir une discussion avec ma fille…
- Sarah, écoute, je ne veux pas que tu penses que je veux te disputer sans arrêt. Mais tu dois comprendre que tu dois arrêter de voler. Et arrêter d’entrainer Mathieu dans tes bêtises…

- Mais maman, je vole pas je t’ai dit, j’emprunte ! Et Mathieu bah… c’est pas de ma faute ! Il le faisait déjà lui aussi !
- C’est vrai ce mensonge ?

- Mais maman ! Je suis pas une menteuse ! Mathieu il aime bien emprunter des trucs lui aussi, et la première fois qu’on s’est vu à la bibilothèque, bah on s’est retrouvés à vouloir piqu… euh emprunter le même livre ! Et maman, je t’ai expliqué déjà… Je rends tout ce que je prends, c’est juste que j’arrive pas à faire autrement…
- Oui, à cause de ce manque que tu ressens toujours… ? Je pensais que te trouver un ami aiderait à combler ce manque… Mais non seulement je me suis trompée à ce sujet, et en plus je me suis trompée sur ce petit, je pensais qu’il t’aiderait à te remettre sur le droit chemin, et finalement il fait les mêmes bêtises que toi.
- Maman ! Tu peux pas m’empêcher de le voir, d’accord ? C’est mon seul ami, je l’aime bien ! Alors oui il a des défauts, mais regarde : il est comme moi, et moi tu m’aimes, non ? S’il te plait, je veux qu’il reste mon ami, il est trop gentil ! Et puis lui aussi, il rend !
- Mais pourquoi vous faites ça, tous les deux… ?
- Bah… moi tu sais, j’arrive pas à faire autrement, parce que j’essaie de remplir ce vide que je ressens… Je sais pas pourquoi maman, c’est plus fort que moi ! C’est comme ça, d’accord ? Et puis, je vo… euh j’emprunte moins qu’avant, non ? Et puis Mathieu, bah… normalement j’ai pas à t’en parler. Mais je crois que c’est pour attirer l’attention de ses grandes sœurs. Enfin, demi-sœurs. Elles habitent pas avec lui, et maintenant elles ont eu un autre petit frère et il a l’impression qu’elles l’oublient lui.
- Oh, je… j’ignorais tout ça…

- Bah oui tu pouvais pas savoir. Il est gentil Mathieu hein ! On est pas des criminels quand même ! On est gentils tous les deux, mais des fois on fait des bêtises… Mais maman… c’est un peu comme ça pour tous les enfants, hein ? On fait des bêtises, on se fait gronder par nos parents… des fois on arrête nos bêtises et des fois on continue, mais c’est pas des très grosses bêtises quand même ? Hein c’est vrai ? Il y a pire, maman, tu crois pas ?

- Tu t’en sors toujours bien, ma fille…
- Je sais, je crois que j’ai un don, mais je suis pas méchante, hein, d’accord ? Et Mathieu non plus ! Je peux toujours le voir, hein maman ? S’il te plait ?
- Bon d’accord, tu peux continuer à le voir, mais j’aimerais que vous évitiez de trop faire de bêtises, d’accord ? Pourquoi ne pas emprunter des choses en demandant avant au propriétaire ?
- Mais maman, c’est pas pareil si on fait ça ! Mais promis je vais essayer de moins emprunter…

- T’as intérêt !

Pourquoi je me fais toujours avoir par ma fille aussi facilement… c’est une bonne manipulatrice… Je suis décidément beaucoup trop faible.

Elle continue donc de voir Mathieu. Elle m’a promis qu’elle essaierait de faire moins de bêtises. J’ai décidé de lui faire confiance… Elle n’influence pas Mathieu, et lui non plus n’influence pas ma fille, ils savent très bien ce qu’ils font sans avoir besoin l’un de l’autre. C’est juste plus drôle à deux, j’imagine… Mais il va quand même falloir qu’ils se calment, tous les deux… Bon, au moins, quand ils sont dans le jardin, ils ne font pas de bêtises… Et puis j’ai toujours un œil sur eux, de cette façon.

- Bon, ma mère veut plus qu’on vole des trucs, alors il faut qu’on fasse attention.
- Bah ouais je sais, mes parents m’ont dit la même chose.
- Mais on vole pas, de toute façon, on emprunte. Hein c’est vrai ?
- Bah oui !
- Allez, monte avec moi, c’est rigolo en haut !
- J’arrive !

- Tu vois c’est drôle ici !
- C’est vrai, mais quand même, c’est un peu haut…

- Mais non, ooooh, t’es une poule mouillée si tu descends déjà !
- Non c’est pas ça, j’ai même pas peur, mais je dois rentrer chez moi !

- Si vite ? Non, c’est parce que t’es une poule mouillée !
- Même pas vrai ! Je dois y aller ! On se revoit vite t’façon, c’est bientôt mon anniv’ !
- Oui, et après ce sera le mien ! Mais tu seras toujours une poule mouillée !
- Gnagnagna !

Je vois ma fille rentrer manger un petit quelque chose, sans Mathieu.
- Ben alors, Mathieu est déjà parti ?
- Oui, c’est une poule mouillée.
- Ah oui ?
- Non mais il a dit qu’il devait rentrer chez lui vite ! Il devait avoir un truc à faire je pense.

Les semaines ont passé, j’ai cru l’espace d’un instant que Mathieu et Sarah s’était disputés pour quelque chose, mais non, tout va bien, Sarah est allée fêter l’anniversaire de Mathieu chez lui, et il est prévu qu’il vienne pour celui de ma fille.

Entre temps, mes chiots ont été adoptés. Deux sont partis pour Sulani, là où ils seront très heureux j’en suis persuadée.

Le dernier est parti juste à côté… dans la famille de Mathieu ! Sa mère avait très envie d’un petit chien, et Mathieu savait que j’en avais à donner, alors il en a parlé à sa mère qui a tout de suite craqué sur un des trois chiots. Parfait ! Il sera très heureux lui aussi, j’en suis sûre !

Sarah

 

C’est mon anniversaire aujourd’hui, maman a voulu inviter toute la famille. Il manque Yoann, un de ses cousins, il est décédé il y a pas longtemps. Je suis pas très proche des cousins de maman, mais je suis contente que tata Nini vienne, je suis trop contente de la voir ! C’est elle qui arrive en premier, avec Cameron, d’ailleurs.

Les autres suivent rapidement, mais je reste près de tata.

- Bon alors tata, t’es prête à ce que je devienne aussi grande que toi ?
- Oh tu sais, c’est bien l’enfance ! Quand on est enfant on aimerait devenir adulte très vite, et puis une fois que l’on y arrive on peut déchanter tout aussi rapidement…
- Mais non, je vais adorer j’suis sûre !

En plus, cousine Léna a ramené son chien, alors qu’elle sait que j’aime pas les gros chiens avec des grosses dents. Mais comme maman a plein de chiens elle doit se dire que ça me dérange pas tant que ça…

Mathieu est venu aussi, j’étais obligée de l’inviter, et même si maman veut pas spécialement que je traine avec lui, parce qu’elle a peur de sa mauvaise influence, bah je l’ai invité quand même. Et puis, on va être honnête deux minutes… Il ne m’a jamais influencé pour quoi que ce soit… Au contraire !

Tout le monde discute, c’est cool mais… il faudrait peut-être pas oublier l’essentiel, quand même !

Bah oui, je veux grandir moi ! Tout le monde est grand là-dedans, c’est pas parce que j’suis petite qu’il faut faire comme si on m’avait pas vu, hein !

Bon et puis zut.

Ils sont tous ailleurs, mais je m’en fiche, je veux grandir moi.
Et aller me relooker parce que ça va pas du tout ça. J’ai déjà tout prévu, vêtements, coiffures, maquillage.

Quand je reviens, je me dirige directement vers Mathieu pour aller l’embêter !
- Alors Mathieu, t’es toujours une poule mouillée ?
- Aïe ! Mais tu m’as pas prévenue !

- Bah non, c’est pas drôle sinon. Bon, j’ai prévu des trucs pour le lycée mais comme il y a toute ma famille on va pas en parler tout de suite, mais j’ai trop hâte !
- Ahah trop bien, moi aussi mais tu m'en diras plus !

Puis je me dirige vers tata.
- Tu vois, je suis aussi grande que toi maintenant ! Peut-être même que je te dépasse !
- C’est vrai ça, tu as grandi tellement vite… Rejoins-moi en bas quand tu peux, j’aimerais discuter avec toi un peu, ça fait longtemps, d’accord ?
- Ok tata, j’arrive dans 2 minutes.

Ma mère s’impatiente. Je la vois me regarder avec une si grande fierté. Alors qu’en vrai, elle a pas trop de quoi être fière… C’est vrai, je la malmène depuis presque toujours. Je m’en veux un peu quand même de lui faire subir ça, mais j’ai comme une pulsion, je ne saurais pas l’expliquer en fait. Mais j’ai constamment envie de voler des objets. On va pas se mentir, je ne les rends pas toujours. Presque jamais à vrai dire. Mais ça, maman ne le sait pas.

- Tu es si belle, Sarah, je suis si fière de toi, tu vas me rendre encore plus fière, n’est-ce pas ?
- Oui maman, bien sûr !

Quelle hypocrite je fais… Je la rends assez malheureuse comme ça, peut-être que je devrais arrêter. Mais ensuite c’est moi qui serais malheureuse… Allez, fais bonne figure. Un sourire à tout le monde et hop tu descends rejoindre tata.

- Tu es là ! Viens t’asseoir. Tu vas bien bichette ?
- Ben ouais, j’suis toujours contente quand tu viens nous voir tu sais bien, c’était important que tu sois là aujourd’hui. De quoi tu voulais me parler ?

- Et bien, déjà, j’aimerais savoir si tu veux qu’on fasse ta chambre ici, à la place de la mienne ? Je ne vis plus ici, ce serait normal que cette pièce te revienne.
- Bah non, je veux pas, j’ai déjà ma chambre, il faudra la refaire mais j’suis bien dedans, et puis ici c’est trop grand, et je préfère que ça reste comme ça, pour quand Cameron et toi venez passer du temps ici.

- Bon, très bien. On laisse ça comme ça alors. Et sinon… ta mère me parle régulièrement de tes déboires, tu sais…
- Ah bon, t’es au courant… ?
- Et oui… ta mère me dit tout…

- C’est nul, c’est parce qu’elle a pas grand monde dans sa vie, et t’es sa p’tite sœur presque fille aussi, alors elle fait des comparaisons, et je la déçois, et…
- Alors je te coupe, tu vas arrêter de dire des bêtises tout de suite. Elle ne fait aucune comparaison, enfin, peut-être, mais c’est seulement parce qu’elle m’a vue grandir, et que toi et moi on a grandi différemment, mais tu ne la déçois pas ! Tu sais, elle se sent impuissante et un peu coupable de ce que tu fais. Elle ne sait pas vraiment comment gérer ça et aimerait comprendre. Et moi aussi, j’aimerais comprendre.
- Bah, quand je dis à maman que je sais pas pourquoi je fais ça, c’est vrai hein ! Tu sais que toi je peux pas te faire marcher, mais je suis sincère quand je dis que je sais pas. C’est une pulsion, un besoin, j’en sais rien, j’ai toujours ressenti un vide au plus profond de mon cœur et j’espère pouvoir le remplir en volant des trucs…
- Et… ça marche… ?
- Ben… pas trop… Mais c’est devenu une habitude, et j’avoue que j’adore ça. J’aimerais arrêter pour faire plaisir à maman, et même à toi, mais en fait j’peux pas, c’est trop amusant !

- Ce vide que tu ressens… Tu saurais pourquoi ? Quelqu’un qui te manque, depuis toujours… Peut-être un père ? Ou moi, qui suis partie de la maison alors que tu étais encore toute jeune ?
- Non, c’est pas ça… toi je te vois souvent, alors c’est pas ça. Tu me manques quand t’es pas là mais là tout de suite je ressens toujours le manque alors ça peut pas être toi. Mon père bah… j’en ai pas, j’ai bien compris que j’avais un donneur et qu’il n’a rien d’un père. C’est peut-être ça… Mais je pense pas. Tata ? Tu étais là à l’accouchement de maman, tu peux me raconter ?
- Euh… Et bien, j’étais là, je l’ai accompagnée à l’hôpital, mais… ils n’ont pas voulu que je l’accompagne en salle de travail. Elle y est allée seule. Je ne pourrais pas t’en dire plus, et elle non plus. Elle a fait une sorte de malaise pendant l’accouchement. Elle t’a bien senti sortir… mais ensuite, plus rien. Ca a duré… je ne sais pas. Quelques minutes. Mais quand elle t’a entendue pleurer, elle a repris ses esprits et a pu découvrir ton joli minois. Elle était si fière de toi. Et elle l’est encore aujourd’hui, crois moi.
- Bah elle est fière, mais je la déçois quand même. Tata… Je peux pas arrêter, je sais pas, peut-être que j’ai une maladie, je peux pas m’en empêcher. Mais peut-être que je peux apprendre à être plus discrète, pour pas qu’elle le sache ?
- Ca peut être une solution oui… Mais tu sais que quand tu voles quelque chose, cela appartient à quelqu’un, et donc tu fais du mal à cette personne, indirectement.

- Mais c’est pas pareil, je la connais pas cette personne. Tata, je suis quelqu’un de gentil, je ferais jamais de mal à ma famille, ou même à mes amis… Enfin… à Mathieu, parce que j’ai pas d’autres amis… Mais les gens que j’aime, je les protègerais à tout prix. Je me fiche peut-être des autres, mais la famille c’est ce qu’il y a de plus important. Il faut bien trouver un compromis. Si je vole discrètement, ça dérange une personne inconnue, mais ça dérange pas maman qui n’est pas au courant. C’est bien comme ça, non ?
- Et du coup je suis ta complice. Ca ne me plait pas trop tout ça.
- Ah ouais, c’est vrai. Mais tu diras rien à maman, hein ? Et puis peut-être que j’arrêterais, et t’en sauras rien ! Maman elle te dira plus que j’ai volé et tout ira bien.
- Hum… permets moi de douter, quand même.

- Mais qu’est-ce que je peux faire, alors ?
- Ce manque, que tu ressens… Peut-être que tu le combleras un jour avec un homme, ou avec une femme… amoureusement parlant ?
- Euh… j’en sais rien, j’y ai jamais pensé. Mais ce serait bizarre de ressentir un manque amoureux depuis ma plus tendre enfance, non ?

- C’est vrai… Garde espoir, ça se calmera peut-être un jour, d’accord ?
- D’accord… tu dis rien à maman, hein ?
- Promis, ça reste entre nous. Mais essaie de limiter les dégâts, d'accord ?
- D'accord je vais essayer. T’es vraiment une tata géniale. Allez, on remonte pour pas éveiller les soupçons ?
- Quels soupçons ? Une tata a quand même le droit de discuter tranquillement avec sa nièce, non ?

En remontant, on prend une part de gâteau. Maman est une bonne cuisinière, ça aurait été dommage de ne pas y goûter quand même.

Maman part discuter sur le canapé avec Loïc et Lena. Ca lui fait plaisir de les voir à chaque fois.

Quant à moi, je profite que tout le monde discute dans un coin pour montrer mes plans à Mathieu.
- Tu vois, la dame de la biblio elle est toujours là, à son bureau, du coup ce sera facile de prendre des bouquins à l’opposé. Et puis après on pourra aller à la salle informatique.

- Mais c’est plus compliqué, tout est scellé dans la salle info !
- T’inquiète pas, on finira par trouver !

Je sais… Je ne suis pas fière. Mais c’est vrai ce que j’ai dit à tata, c’est plus fort que moi, comme si j’avais une maladie qui me force à faire ces choses-là…

Je suis vite interrompue par… Sumi… Ohlala il me fait si peur…

Je sais qu’il est gentil, enfin, il a l’air gentil, mais je me méfie de ces si grandes dents… Je me souviens encore des gros chiens de maman. Je n’ai jamais pu m’y faire. Comme je ne peux pas m’empêcher de voler, maman ne peut pas s’empêcher de vivre avec des animaux. C’est pas pareil, mais un peu quand même, non ? Bref, heureusement qu’elle a pris des petits chiens, je les aime pas spécialement, mais disons que je les tolère beaucoup mieux que les gros chiens…

Cousine Lena vient à ma rescousse.
- Ne t’en fais pas, il ne ferait pas de mal à une mouche, il est adorable, il veut juste une caresse !
- Mais Lena, j’ai peur ! Je peux pas, j’suis désolée !

Il a réclamé. Mais il n’aura pas sa caresse. Pas de ma part, en tout cas…

Je me sauve vite de la maison avec Mathieu pour rejoindre les quais. La nuit est tombée, il fait un peu froid, mais on est bien.

- J’suis sûre que t’es pas cap’ de sauter dans l’eau.

- Quoi ? Bah non, c’est beaucoup trop froid ! En plus il fait nuit, on y voit rien !
- Tu vois, t’es une poule mouillée !

- Et toi alors, tu y vas ?
- Non, ça va faire couler mon maquillage.
- Et après, c’est moi la poule mouillée ?

- J’te parie que je cours plus vite que toi et que j’arrive la première à la maison.
- Change pas de sujet !

- T’es déjà loooiiin derrière moi !
- Tu triches, t’es partie avant !
- POULE MOUILLEE !
- Aucun rapport !

C’est toujours comme ça avec Mathieu. J’crois que c’est mon meilleur ami. Bon, d’accord, c’est pas dur, c’est le seul. Mais c’est un véritable ami sur qui on peut compter. Je suis contente d’avoir quelqu’un comme lui dans ma vie. Même si je le taquine, je l’adore. Presque comme un frère…

Savoir ma fille déjà adolescente ne me rajeunit absolument pas. Et je suis perdue, avec elle. J’ai l’impression d’avoir raté son éducation… Je suis fière d’elle, bien évidemment, mais je sais qu’elle continue à voler. Je me sens tellement incapable de faire quoi que ce soit…
Elle essaie de faire profil bas, d’être discrète, je le vois bien. Nini m’assure que ce n’est pas ma faute, que je n’ai pas à me sentir coupable et qu’elle s’en veut un peu de faire ça, elle me convainc que Sarah ne fait pas ça pour me faire du mal, ou pour me punir.
C’est seulement son gros défaut… Alors dois-je faire avec ? Ca m’ennuie, et je ne voudrais pas qu’elle s’attire de gros ennuis en continuant ses bêtises.
Alors elle essaie de se canaliser, je crois. On a refait entièrement sa chambre. Elle a voulu un punching-ball. Pour calmer ses pulsions, peut-être ?

Ou alors elle est seulement très sportive. Elle s’est trouvée une nouvelle passion pour le ballon. Lequel ? Je sens qu’elle n’arrive pas bien à se décider. Son cœur balance entre le basket et le football.

 

Mais si je suis ravie de la voir s’épanouir dans le sport, je ne veux pas qu’elle continue à faire ses bêtises… J’avoue que je suis à court d’idées. Mais je « connais » quelqu’un qui est dans la même situation que moi…
C’est pourquoi je décide d’aller sonner à la porte de Samantha et Noah, les parents de Mathieu. A peine la porte ouverte, je découvre le petit chien que je leur ai confié, qui a bien grandi depuis et qui m'accueille amoureusement.
- Salut toi, tu es beau, tu le sais ?

Samantha est seule chez elle, son compagnon étant encore au travail. Elle me propose de m’asseoir sur le canapé.
- Quelle bonne surprise ! Vous venez prendre des nouvelles de Bob ? Vous n’auriez pas dû faire le déplacement pour ça !

- Je… Non, enfin, je suis contente de voir qu’il va bien, et qu’il est en pleine forme. J’ai la certitude que ce chien est entouré d’un foyer aimant, mais je ne m’inquiétais pas pour ça. Non, si je viens c’est pour une toute autre raison…
- Ah oui ?
- Oui… Disons que… eh bien, je ne sais pas comment aborder le sujet, je ne sais pas si vous êtes au courant. Cela concerne nos enfants. Vous êtes au courant des bêtises de Mathieu… ?

- Eh bien, oui… Il a eu des difficultés avec le reste de sa famille, vous savez, Noah son père a eu des enfants avant lui avec une autre femme… Femme qui est maintenant mariée à mon frère jumeau. Enfin, vous n’avez pas besoin de savoir tout ça… Mais disons qu’il a ressenti un manque d’attention, parce qu’il a eu l’impression d’être délaissé par ses grandes sœurs lorsque leur petit frère est venu au monde. Cela ne l’excuse pas, mais j’ai confiance en lui, il est jeune. Qui n’a pas fait de bêtises, à son âge ?
- Oui, je vous comprends, mais… ma fille fait pareil, elle vole beaucoup à l’école, et depuis qu’elle est entrée au lycée c’est encore pire. Elle essaie d’être discrète, mais je ne suis pas dupe. Et je ne veux pas vous alarmer, mais j’ai l’impression que nos enfants s’entrainent l’un l’autre dans leurs bêtises, et ça risque de ne plus s’arrêter… Il faudrait trouver une solution pour les canaliser…

- Je… Oui, bien sûr, vous avez raison… Qu’est-ce que vous proposez ?
- Eh bien justement, j’espérais en discuter avec vous afin de trouver la meilleure solution pour eux. Ce ne sont pas des mauvais enfants, je le sais. Même si je vous avoue avoir douté de votre fils, je m’en excuse très sincèrement.
- C’est honnête à vous de me dire ça, et j’imagine que l’on est prêt à défendre son propre enfant coûte que coûte. Malheureusement, Mathieu n’a pas besoin de Sarah pour faire des bêtises, et inversement…
- C’est ce que je comprends, maintenant. Je suppose qu’à deux ils sont plus forts, mais l’un sans l’autre, ils feraient quand même le même genre de bêtises…
- C’est tout à fait ça…

Au même moment, j’aperçois le compagnon de Samantha rentrer à la maison. Je me lève pour le saluer. Je sais que c’est quelqu’un de connu dans son milieu – il est musicien – mais je ne me laisse pas intimider. Après tout, j’ai grandi dans un monde de paillettes – même si cette vie me parait si lointaine, désormais…
- Bonjour Monsieur Jayouzi, je suis la maman de Sarah, l’amie de votre fils.
- Noah, vous pouvez m’appeler Noah. Vous êtes Judy, c’est bien ça ?
- Oui c’est ça.

Sam se permet d’expliquer ma venue à son compagnon qui l'écoute attentivement.
- Vous avez raison, il faut trouver une solution, il faut les canaliser ces jeunes ! Et que dites vous d’un petit boulot, cela pourrait les responsabiliser ?
- C’est une bonne idée oui, ça me semble faisable. Ils doivent connaitre la réalité de la vie, on ne doit pas voler, mais acheter ce qu’on veut avec son propre argent durement gagné.
- Tout à fait ! Je m’en veux sincèrement, c’est un peu ma faute, même si je ne suis pas totalement responsable, mes filles n’ont pas montré assez d’attention à Mathieu lorsqu’il était petit, j’aurais dû les faire venir ici plus souvent… Et maintenant il entraîne votre fille avec lui…

- Non, je vous coupe tout de suite, votre fils n’est pas responsable des bêtises de ma fille, comme on en discutait avec Samantha, ils savent très bien ce qu’ils font et n’ont pas besoin de l’aval de l’autre pour voler quoi que ce soit. Ils ont juste besoin d’un peu de discipline. Je me rends compte que je n’ai pas donné le bon exemple à ma fille sur ce point… Comme vous le savez sans doute, je ne travaille pas…
- Cela ne justifie pas son comportement, tout comme notre vie personnelle ne devrait pas justifier celui de notre fils. C’est réglé, ils iront travailler le week-end, que cela leur plaise ou non. Je vous remercie d’être venue en discuter avec nous, Judy, j’espère que tout finira par s’arranger pour tout le monde.

- Je l’espère aussi.
Nous avons recherché rapidement sur internet, et on a trouvé deux places en tant que petit ouvrier paysagiste. En plus de les canaliser, cela pourrait leur permettre d’apprendre des choses.

En rentrant à la maison, je sais que je dois annoncer ça à ma fille. Cela risque de ne pas être une partie de plaisir…

- C’est quoi cette tête maman ? T’as quelque chose à m’annoncer ? Quelqu’un est mort ?
- Non, personne n’est mort. C’est à propos de toi, Sarah.
- Oh…

- Je sais que tu continues à voler, et n’essaie pas de te trouver des excuses, j’en ai assez… Je ne veux pas te disputer, mais j’aimerais que tu comprennes que cela me rend mal à l’aise de te voir ramener de nouveaux objets tous les jours.
- Maman… c’est pas de ma faute, c’est…

- Pas d’excuses, s’il te plait Sarah, ne rend pas les choses difficiles… Avec les parents de Mathieu, nous avons décidé de vous inscrire à un programme, nous vous avons trouvé un petit boulot en tant qu’ouvrier paysagiste. Tous les deux, vous irez travailler le week-end, et peut-être que vous vous rendrez compte de certaines choses. L’argent, ça se mérite…
- Mais maman, pas le week-end, c’est là qu’on peut sortir…
- Justement, si ça te semble contraignant, c’est une bonne chose. Il faut que tu comprennes que tout n’est pas acquis, Sarah…

- Mais toi t’as jamais travaillé !
- Je n’ai jamais volé non plus, Sarah…
- C’est pas juste…
- Non Sarah, ce n’est pas juste. Tout comme voler n’est pas juste… J’aimerais que tu comprennes ça…
- D’accord maman… Mais…
- Pas de mais, Sarah. Voler, ce n’est pas bien, point.
- Je le sais, ça…

- Alors si tu le sais, fais moi plaisir et calme un peu tout ça, d’accord ?
- Je peux rien te promettre maman… Mais j’irai travailler le week-end…

Bon, cela ne s’est pas si mal passé que ça… Je ne sais pas si elle finira par comprendre, mais au moins cela lui permettra de mettre un pied dans la vie active. C’est vrai que je ne suis pas un exemple à ce niveau-là pour ma fille, et je m’en veux de ne pas être la mère parfaite. Mais existe-elle quelque part ?



Sarah

Voilà, je suis pas encore assez douée pour cacher mes c*nneries. Ou alors maman n’est pas dupe, elle savait bien que je n’allais pas m’arrêter d’un coup en si bon chemin, même en grandissant. Et puis, m*rde, quel gamin n’a jamais fait de bêtises ? J’abuse un peu, c’est vrai. Mais je vais bien finir par me calmer un jour, non ?

Ca me déprime… On avait prévu plein de trucs avec Mathieu ce week-end, et les suivants, et voilà que maintenant on va devoir bosser… C’est donc moi qui vais ramener l’argent à la maison… Pas qu’on en ai besoin, à vrai dire, maman a beaucoup d’argent grâce à ma grand-mère qui était célèbre. Est-ce qu’elle croit vraiment que ça va m’empêcher de voler… ?

Bon, c’est pas tout ça mais si je veux montrer patte blanche, je dois m’appliquer pour mon premier travail. Je veux quand même rendre maman fière de moi, et si je travaille bien, peut-être qu’elle oubliera que je fais n’importe quoi à côté… ?

Pfff en plus il faut vraiment que j’assure au boulot, parce qu’au lycée c’est pas trop ça… Ils nous demandent des trucs trop compliqués, c’est pas mon truc moi, la science ou l’électronique… A Mathieu non plus, d’ailleurs…

Ca m’énerve, tellement… J’ai envie de tout casser, ou d’aller calmer mes pulsions…

Ca va qu’on peut sortir après les cours. Je retrouve souvent Mathieu à la salle de sport de San Myshuno. Je sais pas encore bien ce que j’aimerais faire, mais comme j’adore le sport, je crois que voudrais faire une carrière sportive. Ouais, ça me plairait bien, ça. Et puis pour ça, pas besoin d’être bon en sciences !

- J’suis sûr que tu le mets pas !
- C’est ce que tu vas voir, j’suis pas nulle comme toi hein !

- Oh non j’vais me le prendre sur la tête !

- Mais non, regarde, en plein dans le mille. Essaie de faire mieux, pour voir.

- J’ai pas besoin de faire mes preuves moi, je sais ce que je vaux !
- Tsss, tout le monde sait que t'es poule mouillée !
- Bon d'accord, regarde !

Evidemment, on rentre en bus, puis je m’arrête quelques arrêts avant la maison pour pouvoir courir un peu avant de rentrer.

Judy

Sarah a l’air de n’avoir pas trop mal pris le fait de devoir aller travailler. Le fait qu’elle doive y aller avec Mathieu doit l’aider à être plus motivée, même si je ne suis pas certaine de l’efficacité à ce qu’ils travaillent ensemble. Mais comme on en a discuté avec les parents de l’ami de ma fille, ils n’ont pas besoin l’un de l’autre pour faire des bêtises…
C’est vrai qu’après tout, ils sont jeunes… Je n’ai pas le souvenir d’avoir fait d’énorme bêtises étant jeune ceci dit… Mais j’ai dû grandir rapidement… Et Nini était une petite fille sage… Mais soit. J’ai une fille délurée, je n’y peux rien…

En plus de ça, je dois gérer mes chiens qui eux aussi se mettent à faire des bêtises… Ils se sont roulés encore dans je ne sais quoi.
- Vous êtes encore tout cracra tous les deux, il va falloir passer au bain !

Pendant le bain de Bonnie, je me suis aperçue que son ventre avait grossi. Trop mangé ma mémère ? Non, bien sûr que non… Jax est encore passé par là !
Et bien sûr, quelques semaines plus tard, elle donne naissance à trois nouveaux petits chiots…

Cette fois, ce sera la dernière. Si Bonnie est encore trop faible pour subir ce genre d’opération, je peux quand même castrer Jax.

Je vérifie tout d’abord qu’il n’a pas de problème et que je peux réaliser l’opération sans souci.

Bon, il n’est plus tout jeune, et cela se ressent au niveau de son haleine, mais mis à part ça, il est en pleine santé ! Un petit comprimé bien camouflé pour arranger cette mauvaise odeur, et tout sera prêt.

 

L’opération se déroule parfaitement bien.

Evidemment, il n’est pas fier avec sa collerette autour du cou. Mais c’est nécessaire et ce ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir pour lui.

Ces chiots sont adorables, mais je n’ai plus l’énergie pour m’en occuper. Bien sûr, ils auront tous les soins nécessaires, mais je sais aussi que ce seront mes derniers chiots. Bonnie a déjà eu assez de petits et je ne voudrais pas non plus mettre sa vie en danger. Et il n’est plus question pour moi de prendre d’autres chiens reproducteurs.

Surtout que ces trois là ne me rendent pas la vie facile. Ils font énormément de bêtises…

 

Il est temps pour tout le monde de prendre sa retraite… Et puis mon anniversaire n’est plus si loin, maintenant… Le moment de me rappeler que personne n’est éternel, d’autant plus que je viens d’apprendre le décès de mon cousin Loïc… Laura, sa femme, a bien du mal à s’en remettre…

 

--------------------

Judy a réalisé tous ses objectifs !

 

Avec Mathieu, on s’est fait à l’idée de devoir aller bosser tous les week-ends. Ca nous saoule un peu mais c’est pas comme si on avait le choix. Et puis au moins maman me lâche un peu la grappe, j’ai l’impression qu’elle ne se rend plus compte de ce que je fais, ou du moins qu’elle ne le remarque pas. En même temps, elle est un peu perturbée en ce moment, avec la mort de Loïc, surtout que Laura, sa femme a fini par le rejoindre… De la génération de maman, il ne reste plus que Lena et son mari, et puis tata Nini et Cameron dans la famille. Il y a Mark aussi, son ami d'enfance, mais c'est tout...
Mais n’empêche que c’est pas juste ça, je m’améliore, je suis plus discrète. Ben non, j’ai pas arrêté, je vole toujours. Surtout qu’au boulot, il y a plein de petits trucs intéressants à voler.
C’est plus fort que moi, je l’ai déjà dit ! Mais ça m’empêche pas de bien travailler.
En plus je suis avec Mathieu alors on s’emmerde pas trop, on bosse ensemble et du coup on passe encore plus de temps tous les deux.

Il vient souvent à la maison pour s’entrainer au basket. Il aimerait intégrer une équipe professionnelle mais pour ça il faut s’entrainer, et il sait que j’adore ça aussi. Je sais toujours pas ce que je veux faire, j’adore le sport mais je ne sais pas si je serais faite pour une carrière professionnelle dans ce milieu. Peut-être que je pourrais devenir coach sportive, mais pour ça il faut que je sois encore plus au top !
- T’es déjà là, j’ai pas eu le temps de me changer ! J’espère que t’as pensé à prendre ta tenue de sport !
- Ouep, elle est dans mon sac ! Je peux aller dans ta salle de bain pour me changer ?
- Oui vas-y, je vais me changer moi aussi. On se retrouve dans le jardin ! J’espère que t’es prêt à te prendre une raclée !
- C’est ce qu’on va voir !

Je me prépare dans ma chambre et me donne quelques paroles d’encouragements. Je ne doute pas de moi, mais j’aime bien montrer à Mathieu que je suis meilleure que lui ! Tout le monde sait que c’est une poule mouillée de toute façon, il ne sait pas prendre de risques !

On se retrouve dans le jardin et on fait quelques paniers.

Un des chiots de maman vient nous embêter et je crois que ça a déconcentré Mathieu. Mais évidemment je vais bien me garder de le lui faire remarquer.
- Bah alors, on sait plus viser ? Fais gaffe le ballon va te retomber sur la tête !
- Aïeuh ! Mais c’est de ta faute, tu m’as déconcentré !
- J’ai rien dit ! C’est juste toi qui est nul.
- Mais non, j’ai vu ton chien arriver vers toi, et comme il est tout petit j’ai eu peur de lui marcher dessus alors j’ai… bah ouais, j’ai fait n’importe quoi.
- Rejette pas la faute sur le chien, c’est juste que t’es nul et que tu te cherches des excuses !
- Bon ben vas-y, montre moi ce que tu sais faire !

- Très bien, alors regarde, ouvre bien les yeux. Tu vas découvrir ce que c’est que le talent. Chose que tu n’as pas, mon cher Mathieu !

On se taquine tout le temps comme ça, mais on s’adore ! C’est notre façon à nous de gérer notre amitié. Et comme personne ne veut se lier d’amitié avec nous, ça nous rend d’autant plus proches l’un de l’autre je pense.

- Attention les yeux voilà la superbe Sarah qui nous met un magnifique panier devant les yeux abasourdis de son adversaire !
- Pas mal, ouais, j’avoue, pas m…

- Oh non, m*rde !
- Ah, je m’attendais pas à de la gymnastique ! Tu nous fais quoi, au juste ? Un salto ?

- Te moque pas de moi, c’est pas de ma faute !
- Pas de ta faute, hein ? Qu’est-ce qu’il s’est passé, alors ? C’est pas toi normalement, la nulle, ou la poule mouillée !

- Mais c’est le chien, là, derrière ! Il est gros !
- Il est derrière ton mur il va rien te faire, c’est juste que t’as trébuché et tu te trouves des excuses, hein ? Tu vas pas me la faire à l’envers, je la connais l’astuce !

- Mais Mathieu, il est énorme ce chien ! Tu sais bien que j’ai horreur des gros chiens ! Et vous là, vous avez quoi à nous regarder ? Allez promener votre chien ailleurs, mais arrêtez de mater les gens dans leur jardin !
- Tiens y’a ton chien qui vient te défendre !

- C’est bien Jax, bon chien !

- Tu vois, t’aimes pas trop les chiens mais n’empêche que le petit Jax il t’aime bien, lui, et il te défend !
- Ouais mais les petits chiens c’est pas pareil. Bref, il est parti. Maintenant que rien ne peut me déconcentrer, je vais te montrer ce que c’est un vrai basketteur.

Il reste un long moment avant de devoir rentrer chez lui. Mais c’est pas grave, on se revoit vite. On fait ça régulièrement, et puis on se voit aussi au lycée et au boulot. Au final on est pratiquement tout le temps ensemble. Une fois seule, je prends mon ballon de foot afin de faire quelques dribbles. Je n'en ai jamais assez.

En rentrant, je jette un œil a mon téléphone. J’apprends une chose que maman et moi ne pensions jamais voir arriver.

Je vais bientôt avoir un cousin ou une cousine ! Tata Nini est enceinte ! Elle semble heureuse, même si je sais qu’elle est terrifiée à l’idée d’accoucher. Vu que sa mère, enfin ma grand-mère, est morte en lui donnant naissance, elle a peur qu’il lui arrive la même chose. Mais j’imagine que ça n’arrive pas souvent et qu’elle a pu faire des examens afin de s’assurer que tout irait bien. Surtout que ça aurait pu être évité, pour ma grand-mère.

Judy

Je ne sais plus où donner de la tête avec ces chiots. Ils sont trois, mais j’ai l’impression qu’ils sont 15 ! D’autant plus qu’il y en a un qui se fait tout le temps la malle. Je l’ai cherché toute la journée, partout. Il aime bien se cacher, ce petit chenapan.

 

Quand je réussis enfin à lui mettre la main dessus, je me rends compte qu’il est tout sale.
- Ben oui mon Loulou, à force de courir partout on est tout sale ! Il va falloir prendre le bain, maintenant.

Il ne rechigne pas, mais mon dos me rappelle que ce n’est plus de mon âge.

Quelques jours avant mon anniversaire, les trois chiots sont adoptés. Ca me fait un petit pincement au cœur, comme à chaque fois, mais cette fois-ci, je sais que je n’en aurais plus. Ces trois-là étaient mes derniers petits chiots.
Puis j’apprends aussi le décès de Léo, le mari de Lena. Elle se retrouve toute seule.

Elle ne voulait pas venir pour mon anniversaire, mais je l’ai encouragée à ne pas rester seule à la maison. Elle a besoin d’être entourée, surtout que ses neveux ont leurs vies et ne se soucient pas vraiment d’elle…

Elle vient avec Sumi évidemment, qui a pris de l’âge, lui aussi. Je vois bien que Lena n’est pas dans son assiette, mais elle a fait un effort pour venir et essayer de passer un bon moment.

Tout le monde arrive, mais c’est ma petite sœur que je suis très heureuse de revoir. Elle et Cameron ont enfin réussi à se décider à avoir un enfant, et la grossesse de Nini est déjà bien avancée.
- Tu as le même ventre rond que j’avais quand j’étais enceinte de Sarah. Peut-être que c’est aussi une fille !
- Je ne sais pas, on verra ! Si tu savais comme j’ai peur, Judy !
- Ca va bien se passer, Nini, j’en suis persuadée !

Sarah sort de sa chambre et vient saluer les invités alors que Mathieu vient d’arriver. Je ne savais pas qu’il serait présent, mais après tout, cela ne me dérange pas.

Elle aperçoit sa tante et se jette sur elle pour lui dire bonjour.
- J’suis trop contente pour toi tata ! Je peux toucher ton ventre ?

- Oui, vas-y, peut-être même que tu sentiras un coup de pied si bébé est d’humeur sportive !
- Oooooh, j’ai senti ! Ca fait trop bizarre ! J’ai trop hâte de rencontrer mini toi !

Puis voilà l’heure de souffler les bougies. Mon corps me rappelle le poids de toutes ces années. Même si je n’ai jamais travaillé et que j’ai eu une vie plutôt calme, elle n’a pas non plus été de tout repos.

Oh oui, que mon dos me fait souffrir !

Tout le monde chante, même Lena que je vois esquisser un sourire.

Je m’apprête à couper le gâteau quand Sarah vient vers moi.
- Maman… Ca t’embête si on sort, avec Mathieu ? C’est Halloween, ce soir, et on avait prévu d’aller s’amuser un peu…

- Oh, ma chérie, je pensais que tu allais rester un peu, pour ta vieille mère…
- Maman… s’il te plait… et puis ça nous empêche pas d’aller au resto un peu plus tard pour célébrer ça, toutes les deux… dis oui, s’il te plait…

- J’aurais aimé que tu sois là ce soir… Mais je crois que je ne peux pas te dissuader, n’est-ce pas ? Je sais bien que je n’ai plus aucune autorité sur toi, si jamais j’en ai déjà eu une un jour…
- Maman, dis pas ça… Je t’aime fort, tu sais ? Et on aura tout le temps qu’on veut pour fêter ça toutes les deux, d’accord ?

- Qu’est-ce que je peux dire… Je ne peux rien te refuser, et tu le sais. Allez, file. Et c’est d’accord pour le restaurant. Mais s’il te plait, essaie de ne pas rentrer trop tard, d’accord ?
- C’est promis maman, je vais essayer !

Sarah

On se prépare donc avec Mathieu, on enfile nos déguisements et on se dirige vers la maison la plus effrayante de Forgotten Hollow…

On y croise des gens étranges, dont un homme qui monte les escaliers à une vitesse si impressionnante qu’on a du mal à imaginer qu’il soit vraiment humain. Mais comment serait-ce possible ?

Bon, on a peut-être rêvé, après tout.
- Elle est sympa cette statue. Et si on la prenait ?
- T’es pas sérieuse, il y a du monde qui passe, on pourrait nous voir.

- Bon, d’accord, mais je te propose qu’on fasse ça en partant, il y aura moins de monde et il fera un peu plus sombre. Ce sera plus simple.
- D’accord ! Allez tu viens, on monte ?

Il y a plein de choses effrayantes, dans cette maison. Je ne me suis pas préparée à ça, mais je me suis fait avoir par un seau de bonbons piégé. C’est pas pour ça que j’ai peur, hein, c’est pas moi la poule mouillée, ici.

- Viens, on monte !
- Il y a plein de toiles d’araignées ici et pl…
- BOUH !
- Pu*£ù%§ Sarah tu m’as foutu les jetons !
- Je sais, t’es une poule mouillée, c’est trop facile !
- T’es pas drôle, Sarah !
- SI !

On redescend et je m’installe en face d’une table où se trouvent tout un tas d’objets aussi effrayants les uns que les autres.
- Dis Mathieu, tu crois que ça existe, les créatures surnaturelles ? Autre qu’un humain, je veux dire.

- Non, j’y crois pas. Le mec qu’on a vu tout à l’heure, il devait avoir un mécanisme pour aller vite, ou j’en sais rien, mais c’est du trucage.

- J’en suis pas si sûre, moi… J’ai déjà entendu parler des vampires, comme quoi ils seraient réels, et…
- Non mais faut arrêter de lire tout ce que tu trouves, on raconte tout un tas de légendes dans ces bouquins, mais c’est pas pour ça que c’est vrai !
- J’en sais rien, Mathieu… Moi, j’ai envie d’y croire, à tout ça. Regarde, ce squelette, peut-être qu’il n’est pas aussi mort qu’il ne laisse paraitre.
- Sarah t’en as pas marre de raconter n’importe quoi ?

- Ah ouais, c’est vrai, t’es une poule mouillée, tu vas pas en dormir de la nuit.
- Mais ça n’a rien à voir !
- Ouais ouais, rassure toi comme tu peux !

L’instant d’après, je vois une sorte d’ectoplasme vert, qui semble vivant. Mais oui, ça ressemble à un humain mais… mort ? Est-ce que… est-ce que ce serait un fantôme ?
Je peux communiquer avec. Ce fantôme m’apprend que c’est quelqu’un de ma famille, quelqu’un qui a vécu il y a très très longtemps. Quelqu’un qui a rencontré des extraterrestres.
Donc, les fantômes existent. Les extraterrestres existent. Les vampires aussi, j’en suis persuadée.

Je ne sais pas comment c’est possible tout ça, mais ça existe. Je suis heureuse de rencontrer une ancêtre, et je crois que finalement, on ne meurt jamais vraiment : nos ancêtres sont tous là, quelque part. Peut-être qu’ils ne peuvent pas errer à leur convenance, je n’en sais rien, elle n’a pas voulu m’en dire beaucoup. Mais ils sont là, quand même.

Je lui demande si ma grand-mère est avec elle, aussi. Elle me dit que oui, qu’elle « vit » dans son monde, mais qu’elle n’est pas là actuellement. Elle me dit qu’il y a de nombreuses générations, dans ce monde de fantômes. Et que peut-être, probablement, les fantômes ne sont pas les seules créatures surnaturelles qui existent.

Elle finit par disparaitre, et j’essaie de convaincre Mathieu que tout cela est vrai. Il me dit que tout ça est inventé, que ce sont les propriétaires de ce lieu qui ont engagé des gens et les ont super bien déguisé pour créer l’illusion, mais que cette femme n’était absolument pas mon ancêtre…
Mais c’est impossible, on pouvait voir au travers de son corps…
A l’étage, on découvre un homme étrange qui joue de l’orgue.
Je fais signe à Mathieu de venir s’asseoir à côté de moi, tout en essayant de rester discrète.

Je lui dis, tout doucement, entre mes dents :
- Tu vois, il est pas normal, lui, je suis sûre que c’est un vampire !
- Mais non, Sarah, c’est un costume ! De fausses oreilles, de fausses dents, et voilà le travail !

- Mais Mathieu, arrête d’être si naïf ! C’est pas un costume ça se voit ! C’est un vrai c’est obligé ! Je vais lui demander.
- NON FAIS PAS CA ! Enfin je veux dire, non, laisse le tranquille.

- Oh… bon… d’accord, t’es vraiment pas drôle quand t’as peur.
- Mais j’ai pas peur je t’ai dit.
- Ok, alors va lui demander.
- Mais non, c’est pas la peine, je l’ai vu en bas tout à l’heure, il ajustait ses dents, elles sont fausses, c’est sûr et certain.
- Bon… d’accord. Si tu le dis. Mais j’ai quand même du mal à te croire.

On a fini par partir de cette maison, sans oublier la statue qui se trouvait en bas de l’escalier. Ni vu ni connu ! C'est Mathieu qui va la garder, j'ai pas de place dans ma chambre et... je dois faire profil bas avec maman. Lui, il dira à ses parents qu'il l'a gagné à un concours spécial Halloween.

En rentrant, je vois de la lumière dans la maison. Je rentre quand même discrètement, et je m’assieds sur une chaise de la cuisine. La télé est allumée, et ma mère est dans le canapé.
- Tu m’avais promis, Sarah. Tu avais promis que tu ne rentrerais pas tard.
- Maman il est pas si tard que ça !

- Les invités sont déjà partis depuis 3h, Sarah.
- T’avais qu’à aller te coucher !
- Sarah, je me suis inquiétée. Tu es partie je ne sais où, tu rentres à pas d’heures, je ne pouvais pas dormir sereinement en ne te sachant pas à la maison.
- Maman, je…
- Pas de maman. Va te coucher.

- Ooooh… Bon, d’accord…

Judy

En attendant Sarah et une fois que les invités sont partis, je décide d’examiner Bonnie, afin de pouvoir la stériliser en toute sécurité. Jax est déjà castré, mais je veux être certaine que Bonnie ne me ramène pas d’autres chiots. Si elle ne peut pas en avoir avec Jax, il n’est pas impossible qu’elle aille fricoter ailleurs…

Comme pour Jax, Bonnie devra porter un cône de la honte. Si Jax n’aimait pas ça du tout, cela n’a pas l’air de déranger ma petite mémère.

Je n’ai pas apprécié le fait que Sarah rentre si tard, je me suis fait un sang d’encre. Elle est rentrée entière, fort heureusement, mais on ne sait jamais ce qu’il peut arriver. Je n’étais pas sereine de la laisser partir ainsi, mais… c’est une adolescente un peu rebelle, je sais très bien que si je lui interdis quelque chose, elle va trouver tous les moyens pour braver cet interdit. Alors je suis laxiste, un peu trop… Mais en contrepartie, j’aimerais qu’elle accepte notre marché. Je la laisse sortir, mais je lui demande de ne pas rentrer tard. Ce qu’elle a visiblement oublié.
Vu le sourire qu’elle affiche en partant travailler, je pense qu’elle ne m’en veut pas de l’avoir disputée…

Elle s’investit dans ce travail, j’en suis ravie ! J’ai l’impression que c’est positif, d’ailleurs, je ne la vois plus ramener d’objets volés à la maison. Est-ce que ça veut dire qu’elle a arrêté pour autant ? Rien n’est moins sûr, mais je ne veux l’accuser de rien si je ne vois rien…

En tout cas, elle a l’air d’apprécier un minimum ce qu’elle fait, et c’est déjà très bien.

Malheureusement, une mauvaise nouvelle vient me frapper en plein cœur.

Ma cousine Lena n’a pas survécu longtemps à son mari… Elle laisse derrière elle un chien tout malheureux, qui n’a plus de maitres… Sumi est un vieux chien, et le neveu et la nièce de Lena n’en veulent pas. Il est hors de question pour moi de l’abandonner, alors, même si Sarah n’aime pas les gros chiens, il viendra vivre ses derniers instants en ma compagnie.

Il n’a plus sa maitresse, je ressens tellement sa tristesse… Mais je ferais tout pour qu’il ait une fin de vie des plus heureuses…

Plusieurs semaines ont passé depuis l’anniversaire de maman. Je lui avais promis une sortie au restaurant, et je compte bien tenir ma promesse, mais… je suis crevée entre le lycée, le boulot…

Et puis il faut qu’elle s’occupe de Sumi aussi, je suis pas super enchantée qu’il soit avec nous mais je sais que c’est admirable qu’elle ait décidé de le garder. Et puis en réalité, il ne m’embête pas, il passe son temps à dormir, souvent à côté de maman qui dort beaucoup elle aussi maintenant…

De temps en temps, il s’assoit et attend devant la porte d'entrée, peut-être pour attendre son ancienne maitresse qui ne reviendra pas…

Maman a beaucoup de peine. Je ne sais pas si c’est pour Lena, pour Sumi, pour le fait qu’elle a l’impression que je l’abandonne ou pour tout ça en même temps, mais je vois bien qu’elle est triste.

Mais il y a peu de temps, elle s’est découverte une nouvelle passion : le tricot. Sumi ne la lâche pas d’une semelle, et elle garde toujours un œil sur lui quand elle tricote. Jax et Bonnie sont un peu plus indépendants, mais c’est peut-être parce qu’ils savent qu’ils sont chez eux, alors que pour Sumi c’est différent.

Cela dit, ils ne sont quand même jamais bien loin de leur maîtresse…

Il y a autre chose, aussi. Pour la sortie restaurant que j’ai prévu avec maman, j’aimerais que tata Nini vienne avec nous, une petite sortie entre filles ça fait toujours plaisir et puis maman et moi on adore tata. Sauf que tata, bah, elle a eu un problème avec sa grossesse.
Pas un gros problème, heureusement. On savait qu’elle avait très peur à cause de ce qui est arrivé à ma grand-mère, alors quand Cameron nous a appelé pour nous dire que quelque chose n’allait pas, c’est vrai qu’on a eu peur… En fin de compte, tata a accouché prématurément. Mais elle va bien, et le bébé aussi. Ma cousine est née. Elle s’appelle Ariane.
Avec maman, on est allé les voir à l’hôpital et toutes les deux sont en pleine santé. Tata est fatiguée, mais ça c’est normal. Et puis elle a quand même eu une grosse frayeur, mais voir qu’elle et sa fille vont bien ont fait envoler toutes ses inquiétudes.
Du coup, avec tout ça, ça décale encore plus ma promesse.

Mais moi, je suis trop contente pour tata. Alors ouais, je suis crevée à cause du lycée et du taf, mais je sors quand même avec Mathieu. J’ai fait exprès de l’emmener à Britchester, même si c’est super loin de Brindleton Bay. Mais parce que je sais que tata y vit, et qu’elle nous accueillera pour la nuit. Comme ça, je pourrais passer du temps avec elle et avec ma cousine.

Le petit bar de Britchester ne paie pas de mine, mais on s’amuse quand même avec Mathieu. On a besoin de personne d’autre pour passer une bonne soirée. Nous deux, un baby-foot, et c’est parti !

 

J’aime trop, je gagne tout le temps !
- Bah Mathieu, t’as pas vu la balle, elle était facile à contrer celle-là pourtant ! T’es vraiment trop nul !

- C’est parce que j’ai voulu te laisser gagner la première. Mais maintenant tu vas voir.
- Ah ouais ? Bah je crois que je vais rien voir du tout, parce que je viens de mettre la deuxième !
- Mais tu triches c’est pas possible !
- Mais non c’est juste que je suis douée et pas toi c’est pas de ma faute !

 

- Gna gna gna !

Bon, inutile de préciser que j’ai gagné, c’était beaucoup trop facile ! La chance du débutant, qu’il me dit, moi j’ai plutôt envie de dire que c’est le talent !

Il veut prendre sa revanche sur un petit jus-pong.
- T’es sûr de toi là Mathieu ? T’as pas peur de te reprendre une petite râclée ?
- Aucune chance !
- C’est ce qu’on va voir !
- Allez, je te laisse commencer, parce que je suis un gentleman.
- Ouais, ou alors t’es une poule mouillée qui a peur de se rétamer dès le premier coup. Et hop, en plein dans le mille !

 

- Ouais bon, d’accord, je bois. Mais attends j’ai pas encore joué.
- Bah vas-y montre moi tes talents.

- Et hop, tu bois aussi ! Tu vois que je suis pas une poule mouillée.
- Mouais, c’est juste un coup de chance.

- C’est ce que tu crois ça !
- Bah regarde, je peux même le faire sans regarder, c’est beaucoup trop facile de te battre !

 

Bon, au final, il est pas si nul que ça, on se retrouve avec un seul verre chacun à la fin. Mais je gagne quand même, il boit son dernier verre et rate son dernier lancé !

On termine sur une petite partie de ping-pong, mais alors là, je l’avoue, je suis complètement nulle…

- Bah alors, c’est qui le boss maintenant ?
- Oui ben ça va, c’est parce que je te laisse gagner au moins un truc !

 

- Ahah l’excuse ! Admets que je suis plus doué que toi au ping-pong ! On peut pas être bon partout Sarah !
- Bon d’accord, je suis nulle au ping-pong. Tu as bien joué, bravo Mathieu.

- Bah voilà, c’était pas si compliqué !
- Ah ça va t’es pas obligé d’en rajouter !
- Mauvaise joueuse !
- Poule mouillée !
- Aucun rapport !

On redescend au bar pour finir la soirée. Là, un mec un peu lourd m’accoste alors que je n’ai rien demandé. Je le rembarre, mais il insiste.

Mathieu ne remarque pas tout de suite, mais quand il se rend compte qu’un homme m’importune, il entre dans une colère noire…

Je me lève en disant à Mathieu qu’on peut s’en aller, en ne manquant pas de jeter un sale regard à cet homme un peu trop lourd.

Mais Mathieu ne veut pas laisser tomber.
- Tu vas la laisser tranquille oui ? Tu vois pas qu’elle a pas envie que tu l’emm*rdes ?
- C’est bon, je te la laisse, elle est pas si jolie que ça de toute façon.

- Quoi ? Mais tu t’es pris pour qui là ?
- Mathieu, laisse, c’est pas grave, viens on s’en va…
- T’as de la chance, mec. Mais bouge de là, je veux plus te voir.

J’en reviens pas de voir que Mathieu me défend comme ça. Bon, j’aurais peut-être pu me débrouiller toute seule, mais c’est vrai que je suis rassurée d’avoir Mathieu avec moi, on sait jamais ! Je n’aurais pas été tranquille de rentrer chez ma tante toute seule en sachant cet homme dans le coin…

Il est tard, ou tôt selon le point de vue... mais je sais que tata ne dort pas, elle m’a assuré que je pouvais venir frapper à sa porte à n’importe quelle heure.
Mathieu est crevé, il fait les cent pas sur le trottoir, il n’est pas à l’aise avec le fait de s’incruster chez ma tante à une heure pareille.

En fait, c’est déjà le matin. Cameron est déjà levé et prépare le petit déjeuner.

Quant à moi, je saute dans les bras de tata.

Mathieu remercie Cameron et ma tante de nous accueillir, ce à quoi tata lui répond qu’il n’y a aucun problème, et que ça lui fait plaisir d’accueillir sa nièce et son ami chez elle.

Cameron nous propose un truc à manger, Mathieu accepte mais je préfère rester discuter avec ma tante.
- Alors, tu t’entends bien avec Mathieu, c’est ton petit ami ?
- TATA ! Dis pas n’importe quoi, c’est mon meilleur ami ! Et puis il est juste derrière, il nous entend !

Je crie avant de baisser le ton pour parler entre mes dents. N’importe quoi. Comme si on pouvait être en couple. J’ai jamais pensé être en couple avec lui, et je suis sûre que lui non plus, on est copain depuis qu’on est enfants, c’est juste pas possible !

Mais j’ai quand même une question pour tata. Elle m’invite à aller discuter dans sa chambre.

- Tata, tu sais j’ai jamais réfléchi à ça, Mathieu pour moi c’est un super ami, c’est quasiment comme un frère même ! Enfin, je sais pas ce que ça fait d’avoir un frère, mais j’imagine que c’est comme ça.
- Si tu le dis ! En tout cas, vous êtes tout le temps fourrés ensemble !
- Mais ça veut rien dire ça tata, on s’adore c’est tout ! Mais du coup… je sais pas ce que ça fait d’avoir un petit copain, et les mecs au lycée s’intéressent pas trop à moi parce qu’ils savent qui je suis.
- Comment ça ?
- Ben tu vois, ils savent que j’ai pas de papa parce que maman n’a jamais voulu être en couple, ils savent que maman est asexuelle, ils savent tout ! A Brindleton Bay, tout le monde ou presque se connaît, alors les nouvelles vont vite... Et ils me prennent pour quelqu’un de bizarre, parce qu’ils trouvent maman bizarre. Ils appellent maman « la vieille dame aux chiens »… Ca me fait de la peine… Mais du coup, je peux pas en parler avec elle. Au boulot, il y a bien des mecs qui ne sont pas au courant, et avec qui je pourrais avoir ma première expérience, mais… Nini, ça se passe comment le crac-crac ? Je peux pas demander ça à maman, elle en sait rien…

- Sarah… je sais que tu arrives à un âge où tu te poses tout un tas de questions sur le sujet, un âge où tu as envie de découvrir, mais faire crac-crac juste parce qu’il « faut » le faire, ce n’est pas la bonne approche. Tu ne vas pas faire crac-crac avec le premier venu s’il ne te plait pas, tu comprends ? Il faut que ce soit une belle expérience, quelque chose que tu as envie de faire parce que tu te sens bien avec la personne.
- Et si personne veut de moi ? Tata… J’adore maman et je respecte ses choix à 100 %, mais j’ai pas envie de finir seule comme elle, je veux une famille, comme toi, un mari, des enfants…
- Oh tu sais ma puce tu as bien le temps de penser à tout ça. Tu es encore jeune, tu as toute la vie devant toi pour trouver la personne qui te rendra heureuse.
- Toi avec Cameron, ça s’est fait tout de suite ?
- Oui, tu vois, je n’ai pas eu d’expérience au lycée. Cameron a été le premier. Et ça a très vite été une évidence. Il ne faut pas se précipiter. Alors oui, tu peux avoir des expériences au lycée, ou même plus tard, et rencontrer la personne qui te convient bien plus tard, ça dépend de chacun. Mais rien n’est obligatoire.

- Les filles au lycée elles ont déjà toutes embrassé un garçon. Moi je sais même pas ce que ça fait, c’est nul quand même.
- Ca viendra quand ça viendra Sarah. Peut-être avec Mathieu… ?
- TATA ! Je t’ai dis non ! Je veux pas sortir avec Mathieu ! Et lui non plus d’ailleurs !

- Si tu le dis… En tout cas, ne pense pas que c’est quelque chose que tu dois absolument faire avant ta majorité, tu fais ce que tu veux, comme tu veux, quand tu te sens prête et avec la personne avec qui tu te sens bien. N’hésite pas à m’en parler si tu as besoin, comme aujourd’hui, d’accord ?
- D’accord, tata, t’es vraiment la meilleure.
- Je ferais tout pour ma nièce préférée !
- Bah c’est facile ça, je suis ta seule nièce ! Bon c’est pas tout ça mais je veux voir Ariane moi !
- Oui, vas y, elle doit encore dormir mais tu peux aller la voir si tu veux.

Effectivement, elle dort encore. Je sens qu’elle a fait caca dans sa couche, mais elle dort si bien que je n’ai pas envie de la réveiller. Elle est si mignonne !

Le temps passe vite, mais ça y est, je me décide à prendre un peu de temps pour ma mère. Je lui avais promis, et je compte bien honorer ma promesse. Je sais que je ne suis pas la fille parfaite, mais ma mère reste la personne la plus importante pour moi.
Tata a trouvé sa routine avec Ariane, et elle se permet de nous accompagner, laissant Cameron et Ariane à la maison. C’est une sortie entre filles ! Et Ariane est encore bien trop jeune pour y participer.
Je dis à maman que l’on s’en va pour Oasis Spring. « Mais c’est pas la porte à côté ! » M’a-t-elle dit, et c’est vrai… Mais c’est là que se trouvent les meilleurs restaurants. En réalité, elle n’est pas très rassurée à l’idée de laisser les chiens seuls à la maison. Elle ne s’en fait pas trop pour Jax et Bonnie, mais surtout pour Sumi qui n’est pas tellement à son aise ici, même si maman s’en occupe bien.

Mais elle finit par céder, et nous prenons la route.
Nous voici devant l’El Dorado. C’est un restaurant qui est là depuis plusieurs générations et qui a été repris de père en fils, c’est un des restaurants qui ramène le plus de monde, ici.
Maman est heureuse de retrouver tata, elles ne se voient plus aussi souvent qu’elles ne le souhaiteraient mais elles ont gardé un lien très fort.

Malheureusement, j’ai très mal géré cette sortie. Je savais que c’est un bon restaurant, mais je ne me suis pas méfiée, et j’aurais dû. Je n’ai pas pensé à réserver, et voilà que le restaurant affiche complet ! Pas moyen d’obtenir une table !

J’aperçois la mère des sœurs de Mathieu avec son mari – qui est donc l'oncle de Mathieu, puisque c’est le frère de sa mère – et leur fils qui les suit un peu plus loin derrière. Je ne les ai jamais rencontrés, mais ils vivent à Brindleton Bay, et comme c’est une petite ville, tout le monde « connait » tout le monde finalement. Eux ont visiblement été plus malins puisqu’ils ont forcément dû réserver… Le serveur les dirige vers une table… Quels chanceux…

J’insiste auprès du serveur, demandant à ce qu’on soit installés dès qu’une table se libère.
- C’est bien ça le problème, jeune fille, les réservations sont pleines pour aujourd’hui ! Même ceux qui ont réservé doivent patienter le temps que les clients précédents terminent leur repas… Je suis vraiment désolé, mais cela ne va pas être possible pour aujourd’hui. N’hésitez pas à revenir… il semblerait qu’on ait de la place demain à 13h45, je peux vous réserver une table pour cette heure-ci ?
- Ce sera pas possible, demain ! J’avais tout prévu pour aujourd’hui, c’est gâché maintenant !
- Je suis désolé, vraiment…

Je m’apprête à faire une scène, mais ma mère me regarde avec des yeux qui implorent mon silence. J’essaie de me calmer, mais c’est plus fort que moi.
Avant que je ne puisse ouvrir la bouche pour dire autre chose, ma tante s’interpose.
- Je vous remercie monsieur, nous ferons attention la prochaine fois, nous aurions dû être plus prévoyantes.
- Je m’excuse, j’espère que vous n’êtes pas déçues de l’accueil que nous vous avons réservé.
- Non pas du tout, si le restaurant est plein, c’est que ça doit être vraiment bon ! Merci monsieur, bon courage !

Nous sortons toutes les trois, et tata me calme un peu en me disant que nous allons bien trouver un autre restaurant dans le coin.
Effectivement, en marchant un peu, nous tombons sur un hôtel restaurant qui a l’air pas mal du tout. Pourvu qu’il y ait de la place !

En arrivant devant la porte, tata regarde le menu pendant que maman s’extasie devant le bâtiment.
- Allez, on croise les doigts…

On entre, mais on voit du monde qui patiente… Oh non… Super promesse… Je suis trop nulle, incapable de les tenir, j’en ai marre de décevoir maman sans arrêt…

Mais finalement, une table est disponible. Le cadre est magnifique, maman et tata sont ravies d’être ici.

C’est tata qui entame la discussion.
- Alors Sarah, ça se passe bien au lycée, au travail ?
- Ca va, mais j’ai pas trop envie de parler de ça aujourd’hui. Parle nous de toi, et d’Ariane, plutôt !
- Elle est très mignonne, elle fait des sourires et des gazouillis ! C’est un bébé très calme, on a de la chance avec Cameron !
- Elle tient ça de sa mère, tu étais très calme étant bébé aussi !
- C’est parce que j’avais la meilleure des grandes sœurs pour veiller sur moi ! En tout cas, Ariane est adorable. Je dis pas ça parce que c’est la mienne, mais je pense qu’elle est plus calme que la plupart des bébés de son âge.
- Tant mieux ! Et puis vous gérez bien toi et Cameron, vous êtes de bons parents.
- Oh, ça je ne sais pas, on fait du mieux qu’on peut ! Cameron est un papa fantastique.

On pourrait l’écouter parler pendant des heures, elle qui était si inquiète à l’idée d’avoir un enfant, la voilà maintenant maman et si fière ! Je suis contente pour elle.

On continue de discuter alors que l’on attend notre commande. Nous sommes servies rapidement, et je dois dire que c’est très bon ! Maman et tata sont d’accord avec moi.
Je vois bien que tata essaie de faire dériver la conversation sur moi, elle veut discuter de ce dont on avait discuté chez elle, concernant les garçons, tout ça… Mais je ne suis pas à l’aise de parler de ça devant maman. Et c’est pas parce qu’elle n’a pas d’homme dans sa vie que je dis ça. C’est juste que… c’est ma mère, et j’ai pas envie de parler de ça avec elle, c’est beaucoup trop gênant !
Et puis de toute façon, je n’ai rien à mettre sous la dent de tata, puisque rien ne s’est passé avec personne. C’est vrai, je suis curieuse, mais l’occasion ne s’est pas présentée. Et puis tata a raison, ça viendra quand ça viendra.

Je crois que maman comprend que je suis un peu mal à l’aise. Alors elle décide de changer de sujet.
Oh, rien d’intéressant, mais au moins on parle d’autre chose. Elle me remercie de ne pas l’avoir oubliée, et du fait que j’ai finalement tenu ma promesse. Elle est très émue et je ressens bien que ça lui fait plaisir de sortir. C’est vrai qu’elle ne sort pas beaucoup… Je sais que maman est casanière, elle n’a pas eu l’enfance dont elle aurait rêvé puisque ma grand-mère était une star et qu’elle n’avait pas vraiment de vie privée. Alors rester à la maison sans arrêt loin de tout le monde ne dérange pas maman, bien au contraire. Mais elle est heureuse de cette petite attention que j’ai eue envers elle.

Oh, ce n’est pas grand-chose, mais je commence à me rendre compte que je rends la vie dure à ma mère. Elle a une vie calme depuis qu’elle s’est installée à Brindleton Bay. Mais depuis que je suis dans sa vie, elle ne connait plus vraiment la tranquillité. Alors c’est vrai, je ne serai jamais la fille parfaite. Mais inscrire un sourire sur son visage me fait déjà énormément plaisir.

On termine le repas avec une glace. Autant le plat était délicieux, autant il y a clairement un raté sur les glaces. Celle de maman a l’air vraiment immonde.

Celle de tata n’a pas l’air exceptionnelle non plus.

C’est de leur faute aussi, elles ont voulu tenter un truc original, moi j’ai préféré rester sur un cornet classique, et c’était bon ! Froid, hein, mais bon !

On reprend la route pas trop tard, parce que Oasis Spring c’est beau mais c’est pas la porte à côté comme disait maman… Le restaurant où on a mangé fait aussi hôtel, on pourrait y rester quelques jours prochainement. Bon, ça va être dur de convaincre maman, ici ils n’accepteront pas les chiens et pas question de les laisser plusieurs jours seuls à la maison, et maman ne voudrait pas les laisser à quelqu’un. Bon, tant pis. On en a profité quand même un peu, c’est déjà bien.

En rentrant, maman retrouve ses chiens. Jax et Bonnie s’amusent ensemble, loin d’être perturbés par le départ de leur maitresse, même s’ils sont évidemment contents de la retrouver.

Sumi, en revanche, n’est pas très en forme… Déjà pas à son aise depuis qu’il est avec nous, le voilà malade…

Bien malade…

Mais Maman est en confiance, elle sait ce qu’elle doit faire pour soigner Sumi ou au moins lui offrir un certain confort.

C’est donc avec un cône de la honte que Sumi doit maintenant se trainer… Je n’aime toujours pas qu’il passe à côté de moi, mais maman me rassure toujours, même quand elle est inquiète.
- Je sais qu’il te fait peur, mais il est un des chiens les plus adorables que je connaisse, il n’est pas à son aise ici, et en plus sa santé est fragile… Il a autre chose à penser que venir t’embêter…

- Oui c’est vrai, t’as raison maman… Depuis qu’il est à la maison, il ne vient jamais vers moi, il doit sentir que je l’aime pas…

Malheureusement, maman n’est pas une faiseuse de miracles… En allant se coucher, et sans même allumer la lumière, elle le sait, elle le voit, malgré la pénombre de la pièce… Sumi est allongé au pied de son lit, inerte. Elle comprend tout de suite. Elle a essayé, mais parfois la vie en décide autrement.

Sumi était un vieux chien, il était triste en venant vivre à la maison mais maman lui a offert tout le confort et tout l’amour possible. Lena serait heureuse si elle voyait que son chien a fini ses jours ici, avec maman.

Je viens voir dans la chambre de maman et je découvre une créature toute vêtue de noire, qui est là pour emporter le corps de Sumi.

Il se passe des choses décidément bizarres ici, et après Mathieu me dit que le surnaturel n’existe pas. A d’autres, oui !

Je reste un peu avec maman, parce que ça me tue de la voir si triste.
- Je suis désolée que tu me voies comme ça Sarah, c’est plus fort que moi, j’essaie d’être forte mais c’est difficile…
- T’en fais pas maman, je sais ce qu’il représentait pour toi et tu as tout fait pour lui. Il était juste très vieux, et très malade, tu n’aurais pas pu le soigner, tu n’aurais rien pu faire…
- J’aurais pu… Tu sais, quand j’étais plus jeune j’ai réussi à confectionner des friandises pour rajeunir les animaux… Je l’ai fait, une fois… Ca a fonctionné… Mais j’ai choisi de ne plus le refaire…

- T’as bien fait maman, c’est un peu contre nature… Je sais que t’es triste, mais maman, il a rejoint sa maitresse, sans doute ! Il doit être heureux, maintenant. Pas qu’il ne l’était pas avec toi, il t’adorait, mais tu n’étais pas sa maitresse…
- Tu as raison, Sarah. Je vais me ressaisir, ne t’en fais pas, ça va aller…

Les remarques que j’entends au lycée sur maman me pèsent de plus en plus. Je fais celle que tout cela n’atteint pas, devant eux, mais en réalité je ne supporte plus ces moqueries. De quel droit ils osent critiquer et insulter quelqu’un qu’ils ne connaissent même pas ? Simplement parce qu’ils ne comprennent pas ses choix de vie… Ca me dépasse.
Alors je sens que je suis une gamine sur ce coup-là, mais j’ai décidé de me venger. Enfin… si l’occasion se présente.
En fait, tout se sait, ici à Brindleton Bay. Mais je sais que chacun a ses petits secrets, et c’est ça que je vais découvrir.
Le premier qui ose dire quelque chose sur ma mère, il le regrettera.

 

Parce que les secrets ne le sont pas réellement, finalement. C’est fou ce qu’on peut trouver sur internet. Les gens ne savent pas se protéger. Qu’ils sont bêtes.

Oh, j’en trouve des choses. Parfois des choses très compromettantes que j’aurais aimé ne jamais voir. Mais soit, j’ai quelque chose sur eux. Quelque chose qu’ils n’aimeraient pas voir se répandre un peu partout…

C'est vraiment trop facile de pirater ces gens, ils n'ont pas compris l'importance de protéger leurs données, ils vont le regretter très vite.

Oh, je sais, la vengeance n’est pas une bonne chose, mais si ça peut faire taire tous ces idiots, alors je n’hésite pas une seule seconde. Pas question d’entendre encore une fois ces horribles choses sur ma mère. Les entendre dire que « la grande Seren Berry se retournerait dans sa tombe si elle voyait sa fille », ça me met hors de moi. Sa fille a accompli tout ce qu’elle voulait dans sa vie, sa vie est parfaite à ses yeux, quoi qu’en disent les gens, elle a vécu et elle vit comme elle l’entend, et c'est ça qui compte. Et même si je ne l'ai jamais connue, je suis persuadée que ma grand-mère aurait été fière d’elle.

Avec le temps, j’ai tout découvert, ou presque, des petits secrets des habitants de Brindleton Bay.

Heureusement, j’ai toujours le soutien de Mathieu. Il me fait oublier tous les petits tracas, me rassure et surtout ne juge pas. Le seul qui m’a toujours soutenue, c’est lui. Je sais qu’on se taquine beaucoup, mais qui aime bien châtie bien, non ? C’est vraiment comme un frère, je crois.

On est sportifs, tous les deux. Mais il y a des sports qu’on n’a jamais essayé. Le patin à glaces, par exemple. Je suis sûre que je vais tout déchirer.

- Bon je mène la danse hein, t’as pas l’air de tenir sur tes jambes !
- Mais c’est casse-gueule ce truc ! J’ai l’impression de marcher sur du verglas.

- Bah c’est un peu pareil hein. Tu vas pas me dire que t’as peur ! Allez c’est pas dur, t’avance et… OOOH M*RDE !

 

- Tu disais ?
- Ouais bon, ça va hein !
- Ca va, tu t’es pas fait mal au moins ?
- Non ça va, mais t’as raison, c’est casse-gueule ce truc, on va y aller doucement, hein.
- Ouais t’as raison.
- Attends, viens. A deux, c’est plus facile, c’est plus stable.

- Ah bah parle pas trop vite, je crois qu’on va tomber tous les deux si on continue !

En fait, le patinage, c’est pas pour nous. Le basket c’est mieux ! On se détend en prenant un petit truc à manger et je lui montre mes talents de « gobeuse de pop corn ».
- Regarde, c’est trop facile.

 

- Attends, j’essaie.

- Raté !
- Aïe ! Mon œil !

- Ahah t’es beaucoup trop nul !
- Ouais, c’est bon, t’as gagné.

On se lève, on s’apprête à partir parce qu’il est assez tard. Ou tôt, même, d’ailleurs…
Mais j’ai autre chose en tête, avant de partir…
- Mathieu… ça fait longtemps qu’on a rien volé, t’as vu les statuettes dehors, elles sont jolies, non, t’en penses quoi ?
- J’en pense que… c’est risqué, il reste encore un peu de monde… Mais ça se tente !

- Ouais trop bien ! Attends, faut pas éveiller les soupçons des gens dehors…

On se dirige vers la statuette, mais rien à faire, celui qui décide de partir laisse place à un autre qui décide d’arriver… Quelle idée de débarquer à cette heure-ci…

Alors on gagne du temps, on fait comme si on n’avait rien d’autre en tête que prendre du bon temps et s’amuser…
- Oh regarde Mathieu, je savais pas que c’était la pleine lune ce soir !

- Qu’est-ce que tu me racontes ? C’est pas la pleine lune, c’est même pas l…
- Je t’ai eu !

- Ohlala, j’espère que tu cours vite parce que tu vas le regretter !
- Même pas peur ! Tu m’auras jamais à cette distance !

- C’est ce que tu crois !
- Oh non, j’ai été touchée !
- Trop facile !

- Attends, tu vas voir…

- Raté ! Pourtant j’étais pas loin, t’aurais pas besoin de lunettes par hasard ?
- Non ! T’as bougé c’est de la triche !
- Mauvaise joueuse, j’ai pas bougé d’un poil !

Je passe vraiment de bons moments avec lui, comme si le temps s’arrête. Ma tante a cru qu’on était ensemble, au début, genre comme un couple. Alors que c’est pas du tout comme ça qu’on se voit. Au lycée par contre, Mathieu en prend plein la tronche. Parce que tout le monde lui dit qu’il est dans la « friendzone »… Qu’est-ce que ça peut leur faire, en fait ? Et puis Mathieu, ça le gonfle, parce qu’il s’en fout, il veut pas non plus qu’on soit un couple, ce serait trop bizarre, il me considère aussi comme une sœur. Il en a plein lui, il sait ce que c’est d’avoir une sœur. Mais il dit toujours qu’il est plus proche de moi que de ses vraies sœurs. C’est vrai aussi, il a jamais vécu avec elles.

Mais j’en ai marre de ne rien connaitre à la vie, de ne pas savoir ce que c’est le crac-crac, ou même rien que d’embrasser quelqu’un. Je demande à Mathieu, parce que c’est le seul en qui j’ai confiance, juste pour voir ce que ça fait d'embrasser quelqu'un… Il est un peu réticent, mais il est d’accord, on ne vit qu’une fois, on est jeunes…

- Mais c’est trop bizarre ! Sarah, tu veux toujours aller trop loin, mais me demande pas de faire crac-crac hein, parce que ça va pas le faire !
- Non je suis d’accord, c’était bizarre. Mais c’est peut-être parce qu’on s’aime pas ! Enfin, pas « comme ça »…

- Bah ouais, ça fait trop bizarre…
- Mais au moins, maintenant on sait ce que ça fait…
- J’en sais rien, on a pas eu les petits papillons dans le ventre qu’on est censés avoir, alors quand on est amoureux ça doit sûrement être différent quand même.

Il a raison, c’était beaucoup trop bizarre. Au moins, on sait qu’on est pas amoureux. Enfin on le savait déjà, mais là ça confirme !

Et ça nous a fait gagner du temps, plus personne n’est dans le parc, la voie est libre. Mathieu est quand même parti faire le guet devant, au cas où.

 

Et voilà, ni vu ni connu.

On est vraiment irrécupérables, tous les deux…

Les mois ont passé. Je travaille toujours au jardin, et j’essaie de montrer bonne figure. Je ne vais pas cacher que je n’y connais rien, mais je tente de faire du bon travail malgré tout.
Et j’avoue qu’avec Mathieu qui bosse avec moi, c’est quand même plus facile.

Quand je suis à la maison, j’essaie d’améliorer mes connaissances pour espérer avoir une promotion, même si je sais que je ne passerais pas ma vie à faire ça !

Je continue mes investigations concernant les gens du lycée, c’est vrai qu’il y a quelques semaines j’ai dévoilé l’un des secrets les plus honteux de l’un de mes camarades de classe, parce qu’il avait encore fait une remarque désobligeante vis-à-vis de ma mère. J’avais dit que je me vengerais. Je sais bien que c’est pas la solution idéale, mais j’en ai ras le bol d’entendre toutes ces horreurs sur ma mère. Ils ne peuvent pas la laisser tranquille, un peu ? Elle n’emm*rde personne !
Du coup, c’est beaucoup plus calme maintenant. Les autres se moquent un peu moins de moi et ma mère et s’occupent plus de ce secret qui n’en est plus un pour ce camarade qui l’avait un peu trop cherché.
Par contre, maintenant je reçois des appels trop chelous !
La voix est étrange, je ne la reconnais pas. Quand je cherche à en savoir plus, la personne à l’autre bout du fil raccroche…

Bon… tant que ce n’est « que » ça… Je n’ai pas de raison de m’inquiéter, n’est-ce pas ?


Avec maman et tata, on a pris l’habitude de se faire des petites sorties restaurant de temps en temps. Ca fait du bien à tout le monde, et ça permet de nous retrouver. Tata n’a plus l’occasion de passer à la maison aussi souvent qu’avant, entre son travail et sa vie de famille, alors dès qu’elle peut s’accorder un peu de temps libre, elle n’hésite pas à le passer avec nous.

C’est toujours un plaisir de passer du temps ensemble, maman est ravie de retrouver sa petite sœur et moi ma tante.
- Alors quoi de neuf dans vos vies ? Les toutous vont bien ?
- Ils vont très bien, ils sont de plus en plus calmes avec l’âge, mais ce n’est pas pour me déplaire ! Comment va Ariane ?
- Elle commence à courir partout ! Elle a tellement grandi ! Vous avez vu les photos de toute façon, j’ai l’impression qu’elle change de jour en jour ! Et toi Sarah, le lycée ça se passe bien ? Tu as déjà une idée de ce que tu veux faire ?
- Oh ben ça se passe… ça suit son cours, on va dire ! Avec Mathieu, on a envie de suivre des études sportives, après. Tu sais que le basket c’est notre truc !
- Toujours avec Mathieu, décidément, vous êtes inséparables !
- Oui c’est vrai, mais c’est vraiment comme un frère, et puis c’est pas de notre faute si on aime les mêmes choses !
- C’est vrai ! Tant mieux, si vous arrivez à être ensemble, ce sera moins difficile pour l’adaptation j’imagine !

Maman est silencieuse. Elle nous écoute parler mais elle est plongée dans la carte du restaurant. Quand le serveur arrive, elle prend rapidement la commande ! Je n’ai même pas regardé la carte. Je prendrais quelque chose de classique.

Maman est ravie ! Son plat a l’air délicieux !

Tata a pris la même chose qu’elle, alors que j’ai préféré rester sur une source sûre : la pizza 4 fromages !

On continue de discuter de tout et de rien, chacune ayant le sourire aux lèvres.

J’ai trop mangé ! Mais c’était trop bon !

Maman ne peut pas s’empêcher d’enlacer tata, de la remercier de venir dès qu’elle le peut et de rester présente malgré le fait qu’elle ait sa vie, désormais.

Je sais que tata est reconnaissante envers maman, c’est sa grande sœur mais c’est elle qui l’a élevée, d’abord avec le papa de tata, puis seule. Elles ont un lien très fort, toutes les deux.

Et alors que Nini est déjà sortie, maman s’apprêtant à sortir, je ne peux pas m’en empêcher. Maman a le dos tourné… La bougie est assez petite… Personne ne regarde…
C’est sûr que c’est plus facile de voler une simple bougie qu’une énorme statue ! Je m’en souviens encore ! On a fait les malins avec Mathieu, mais finalement on a vite changé d’avis ! On a tenté mais qu’est-ce qu’on allait en faire, de toute façon… ? Alors on l’a abandonné dans un parc, pas loin de là où on l’avait « empruntée » du coup. Là, au moins, je vais pas m’embêter, c’est assez discret !

On arrive à la maison, tata nous accompagne, comme il est tard elle passera la nuit à la maison. Je dépose la bougie sur la table puis je l’allume. Ma mère comprend tout de suite…
- Sarah ! C’est pas la bougie qu’il y avait sur la table du restaurant ? Tu as osé piquer ça ? Tu exagères, tout pour te faire remarquer !
- Mais maman, t’es partie devant moi, le serveur m’a dit que je pouvais la prendre, offert par la maison en fin de repas.
- Mouais…

Oui… un mensonge… Je m’en veux, mais je peux pas lui dire que je continue de voler… Et je voulais qu’elle puisse en profiter… Je suis vraiment trop nulle…

Bon, c’est quand même passé… Elle est partie se coucher, découvrant au passage que ce qu’elle disait à propos de ses chiens au restaurant était vrai : ses chiens vieillissent. Bonnie est un peu plus jeune, mais Jax est un vieux chien, maintenant…

Très vite, la fête de l’Hiver arrive, et avec elle, les premiers flocons de neige. Pour autant, il ne fait pas froid.

Quoique… Quelle idée de se jeter en pull dans la neige…

Cette année, c’est un tout petit sapin qui prend place dans le salon. Juste histoire de…

Bien que le temps ne soit pas clément, on a tout de même quelques invités.

On le fête en famille, mais aussi avec des amis. Tata est là, avec Cameron et Ariane. Mathieu aussi, bien sûr. Et puis, avec le temps, maman a sympathisé avec Sam, la mère de Mathieu. Noah, son père, devant travailler assez tard nous rejoindra en fin de soirée. Quant à Mark, le plus vieil ami de maman, il n’est pas en bonne santé, et n’est donc pas venu.

C’est vrai que ma cousine a grandi. Elle est vraiment trop mignonne !

Je ne l’ai pas beaucoup vue, mais elle n’a pas peur avec moi et me demande de jouer avec elle. Il faut savoir qu’elle est assez timide, d’après tata, alors c’est surprenant qu’elle accepte aussi facilement que je la prenne dans mes bras pour faire l’avion.

Tata a joué le jeu de la fête de l’Hiver à fond cette année ! On n’avait pas prévu de tenue spéciale, mais elle a tenu à marquer le coup !

Quand le Père Hiver débarque à la maison, Ariane ne veut pas aller vers lui et a très peur. Tata ne manque pas de lui faire un câlin afin qu’elle se sente mieux.

Puis nous attaquons le repas. Maman est une si bonne cuisinière ! C’est vraiment délicieux !
Même le Père Hiver aimerait en prendre un bout.

 

Ariane se régale, elle aussi.

Noah arrive pendant le repas déjà bien entamé, mais nous avons fait en sorte de lui garder une part, évidemment.

Le Père Hiver parti, Ariane se sent déjà beaucoup mieux. Elle n’a pas réussi à aller lui demander son cadeau. Pauvre bichette.

Mais maman a pensé à tout ! Et voilà qu’elle lui offre son cadeau. Ma cousine fait d’abord sa timide.


Mais finalement, l’appel du cadeau est beaucoup trop grand, et elle s’émerveille devant cette grosse boîte que sa tante lui tend.

Elle y découvre une peluche et un jouet, qu’elle adore déjà. Tout le monde semble passer un bon moment.

Noah propose à maman de venir l’aider le lendemain à faire le ménage, au vu de la montagne de verre qui s’accumule déjà sur la table. Mais maman n’ayant pas le courage de le faire, elle a déjà tout prévu : une femme de ménage viendra l’aider à tout nettoyer et ranger.

Ariane s’approche timidement de Sam, mais s’assoie tout de même sur le canapé à côté d’elle, en ne manquant pas de se cacher derrière ses mains, comme pour se protéger.

Mais finalement, au grand étonnement de ses parents, Ariane se sent bien avec Sam et entame une conversation qui semble passionnante !

On ne pouvait pas terminer la soirée sans trouver maman épuisée. Elle qui semblait en pleine forme a quand même du mal à rester éveillée sur de longues soirées… Ceci dit, je sais qu’elle a pris du plaisir à organiser cette soirée et c’est ce qui compte. J’aime ces moments en famille – même si Mathieu et ses parents n’en font pas vraiment partie, pour moi c’est tout comme – j’ai beau être une peste, j’adore ma famille et c’est, je crois, ce qui compte le plus pour moi…

Si on m’avait dit il y a un an que je serai aujourd’hui dans cette situation, je ne l’aurais jamais cru. Comment j’en suis arrivée là ? Qu’est-ce que je dois faire, maintenant ? Qu’est-ce que je vais devenir ?

Mon dernier beau souvenir remonte à cette soirée du jour de l’an, avec Mathieu, évidemment.
On s’éclatait, non soucieux de l’avenir, ne réfléchissant à rien d’autre qu’à l’instant présent.
On était deux jeunes adolescents qui ne cherchaient qu’à s’amuser. J’aimerais tant revenir à ce souvenir…

 

Evidemment, je me souviens lui avoir mis une petite raclée au bowling.

 

Même si à bien y réfléchir, le score était plutôt serré, à mon grand étonnement. Parce que Mathieu, il a été surpris du poids de la boule de bowling. Mais finalement, il ne s'en sortait pas si mal que ça.

 

Ou peut-être me laissait-il gagner, à chaque fois ?

Les jeux d’arcade nous ont attirés à eux comme des gosses attirés par des bonbons. On s’amusait tellement.

 

 

On voulait essayer tout ce qui pouvait nous divertir, ce soir-là. On était tous les deux, le reste ne comptait pas. On s’est rendu compte qu’on était aussi nul l’un que l’autre aux fléchettes.

 

 

 

Mais on s’en fichait, on était heureux. On rigolait, on se moquait l’un de l’autre, comme on en avait l’habitude – surtout comme j’en avais l’habitude. Mathieu, lui, se laissait faire, la plupart du temps.

On a dansé, même. Enfin… essayé… Je suis persuadée qu'on aurait dit deux pauvres ados imitant quelqu'un ayant une envie pressante. En tout cas, notre danse ne ressemblait à rien, ça c'est sûr.

Je me souviens de cet homme aussi, au bar. J’avais l’impression de le voir partout, cet homme-là. J’étais persuadée de l’avoir déjà vu. Oui, à une soirée Halloween, c’était lui, j’en suis sûre. Je l’ai regardée avec insistance, je me souviens même avoir hésité à lui parler, mais quelque chose me retenait. Il est resté silencieux, ignorant les regards insistants que je posais sur lui.


Puis j’ai fini par revenir à la réalité. A me retrouver avec Mathieu comme si rien autour ne comptait.
A se mettre à chanter comme des casseroles. Ah ça, on était nuls ! Mais on s’en fichait, du moment qu’on passait du temps ensemble.

 

Il parait si loin, ce temps. Quelle insouciance !

Et puis la soirée avait continué, on s’était mêlé aux groupes de personnes agglutinés devant la télévision afin de suivre le décompte.

 

Minuit. C’est aussi à peu près à ce moment-là que Mathieu a senti la fatigue monter. J’avais encore envie de m’amuser.

Et c’est aussi ce soir-là que… que j’ai croisé un collègue de travail, et que… de fil en aiguille…

 

Mais ça n’a pas d’importance. C’était ma première fois, oui. C’était fun, mais il n’y avait rien, pas de sentiments, pas d’attache. Je ne l’ai jamais revu. Pas même au travail. Peut-être que j’ai envie d’oublier son visage, même. Peut-être l’ai-je déjà oublié, d’ailleurs.

J’avais fini par rejoindre Mathieu qui s’était réveillé, et était prêt à partir. En attendant que son père vienne nous chercher, on profitait un peu de l’air frais de cette belle nuit.

 

Inséparables. Comme deux meilleurs amis. Prêts à faire les 400 coups, à n’importe quel moment.

Et puis cette année, tout s’est accéléré. Du moins c’est l’impression que je garde. Les souvenirs d'après cette soirée me semblent bien moins mémorables...

Je me souviens d’avoir vu maman si inquiète pour Juliette. Je ne la connais pas bien, Juliette. C’est la fille du cousin de maman, mais elle n’a jamais été très présente dans nos vies. Et là, elle se retrouve avec trois gosses de trois pères différents, aucun n’étant présent pour elle ou pour l’enfant que chacun lui avait donné. Elle savait, maman, que Juliette avait tendance à draguer tout ce qui bouge. Elle ne s'était visiblement pas arrêtée...

C’était Sébastien, le frère de Juliette, qui avait appelée maman pour la prévenir. Parce qu’elle était la seule famille qui leur restait, finalement. Lui a sa vie, aussi. Mais il est plus stable que sa sœur. Marié, un enfant, il semble heureux. Mais maman ne pouvait rien faire pour Juliette, elle était malheureuse, mais elle devait assumer ses actes…

Et puis maman avait d’autres choses en tête. Je savais que j’étais la plus grande source de ses inquiétudes. Mais je me calmais, je volais moins. Et puis un jour, elle a appris la mort de son vieil ami, Mark. Ca l’a anéantie. Elle ne le voyait pas souvent, ces dernières années, mais elle tenait malgré tout à lui.

 

 

Et puis elle savait que je comptais partir à l’université, aussi. L’université, quelle blague. Si j’avais su… Elle s’inquiétait pour ses chiens, aussi, qui devenaient vieux.
Mais la vie continuait, avec la plus grande insouciance. Je tentais de la rassurer comme je pouvais.

Je continuais mes recherches, sur tout et tout le monde, quand je me suis mise à m’intéresser à ma famille, à mes ancêtres.

J’ai l’impression d’avoir appris tellement de choses. L’impression de descendre d’une famille importante, puisque, outre ma grand-mère qui était une actrice célèbre, j’ai eu entre autres, une ancêtre astronaute, une scientifique, une politicienne, une grande athlète professionnelle et j’en passe. Une flic aussi, qui l’est devenue suite à l’enlèvement de sa petite sœur.
Et maman et tata n’ont pas été les seules à perdre leur maman. La grand-mère de maman a perdu ses parents alors qu’elle était plus jeune que moi.

Il semblerait que cela a une grande importance de garder en images des traces de mes ancêtres. C’est pourquoi maman garde ses photos précieusement, comme si elles se passaient de génération en génération. Et maintenant, ces photos sont à moi. Toutes ces femmes fortes font partie de moi.

Suis-je une femme forte ? Aujourd’hui, j’en doute… Déjà à l’époque, je ne me pensais pas digne de cette lignée.

Et puis un jour, une nuit plutôt, j’ai croisé la route de cette femme. Que faisait-elle ici, à cette heure-ci ?

Cette rencontre, je m’en souviens comme si c’était hier.

- Sarah Berry. Vous aimez fouiner un peu partout, n’est-ce pas ?
- Je…
- Je n’ai pas terminé. Vous êtes un élément intéressant. Vous savez beaucoup de choses et surtout vous savez où les trouver. Nous avons besoin de vous. Notre réseau a besoin de vous.
- Moi, mais, comment ? Pourquoi ? Qui êtes-vous ?

- Vous posez beaucoup de questions, vous aurez les réponses en temps voulu.
- Et si je refuse ?
- Vous n’êtes pas en position de refuser, Sarah. Voyez-vous, nous avons falsifié vos notes, l’université, ce n’est pas pour vous. Et si vous vous obstinez, nous serions obligés de falsifier les notes de Mathieu Mercier également.
- Mathieu ? Mais pourquoi ? Vous ne pouvez pas faire ça !

- On peut. Et on le fera si vous refusez.
- Mais je ne sais rien de vous ! Comment pourrais-je accepter une proposition dont je ne connais aucun détail ?
- Etes-vous en position de refuser quoi que ce soit ?
- Je…
- Nous pourrions également nous occuper de Bonnie, ou de Jax…
- QUOI ? Mais ça va pas la tête ? Laissez-les en dehors de ça, laissez ma mère en dehors de ça, s’il vous plait, c’est une gentille femme, elle n’a rien demandé, elle… Attendez, c’est vous le coup de fil de la dernière fois ?
- Vous avez les cartes en main. Mais vous ne pouvez en parler à personne.

A ce moment-là, j’étais déstabilisée. La femme est partie, disparue. Elle aurait pu partir dans un nuage de fumée que je ne m’en serais pas rendue compte.

J’étais complètement perdue. Dans quoi j’allais m’embarquer ? Parce qu’à ce stade, je ne savais rien. Mais je savais déjà que je ne pourrais pas refuser… Comment pouvais-je foutre en l’air l’avenir de Mathieu alors qu’il était tout tracé ? Comment pouvais-je rendre maman malheureuse en étant responsable de la disparition d’un de ses chiens ? C’était impensable.

Quitte à me sacrifier, à sacrifier ma vie. Tant pis. Je préfère sacrifier ma vie que celle des autres.
Je n’ai pas donné suite à cette femme tout de suite. J’en étais incapable. Elle m’avait laissé une note avec un numéro de téléphone, mais je n’arrivais pas à composer ce numéro. Tout semblait si irréaliste.

Je n’avais rien dit à maman, ou à Mathieu, évidemment. J’avais peur des représailles.
Et puis un matin, maman était paniquée. Bonnie avait disparu.


Oh non… c’est de ma faute, c’est certain ! Pourvu qu’ils ne lui aient fait aucun mal ! Maman s'était mise à la chercher partout... en vain...

 

Ma décision était prise. Il fallait que j'appelle cette femme. Je ne pouvais pas être responsable du mal-être de maman. Et puis Bonnie n'avait rien demandé, comment s'en prendre à un être sans défense ? Je n'ai pas réussi à la joindre tout de suite. Je l'ai appelée tous les jours, en vain. Au bout d'une semaine, elle décrochait.

- Qu’avez-vous fait du chien de ma mère ?
- Acceptez-vous ma proposition ?
- Je… Oui… j’accepte…
- Très bien, vous retrouverez le chien demain soir. Je vous envoie les instructions pour la suite par sms.

Impossible de refaire machine arrière.
A ma majorité, une semaine plus tard, je devais faire mes valises et partir aussitôt. Déménager. A San Myshuno, dans cette maison qui est désormais la mienne, payée par ce réseau dont je ne connais encore rien. Evidemment, je ne pouvais pas dire la vérité à ma mère, à Mathieu, à personne.
Je ne savais même pas si je serai libre de les revoir, à ma guise…

J’ai récupéré Bonnie, comme il était prévu, elle était devant la maison, ce soir-là. Maman était ravie. Soulagée.

 

Puis je lui ai annoncé que je devais partir dès le jour de mon anniversaire. Je lui ai dit que je n’irai pas à l’université, finalement, parce que mes notes ne le permettaient pas… J’avais décidé de partir… de m’engager… à l’armée… Pas terrible, comme mensonge, hein. Mais qu’est-ce que je pouvais dire ?

Je lui ai dit que j’espérais aussi que malgré mes choix, malgré mes erreurs et mes défauts, elle serait fière de moi…

- Je serai toujours fière de toi, ma fille, malgré tes choix, malgré tes erreurs, et malgré tes défauts, tu restes ma fille et je suis fière de la femme que tu deviens.

 

Ces mots, ses mots, me réconfortent aujourd’hui…

Et puis évidemment, il fallait que j’annonce à Mathieu que je n’irai pas à l’université avec lui… A lui aussi, je devais mentir…
- Mathieu… Je… J’ai foiré mon année, j’ai eu des mauvaises notes et, je… Bah voilà, j’ai pas été prise à l’université.
- Mais… Comment ? On avait tout bossé ensemble et puis tu avais pas des notes si terribles !
- Je sais pas Mathieu, j’ai pas été acceptée, c’est tout…
- Je vais devoir y aller tout seul alors , sans toi ? Mais… tu vas faire quoi, du coup ?

- Je… Je… Je m’engage à l’armée.
- Quoi ? Mais Sarah, on va plus jamais se voir !
- On se verra beaucoup moins, oui… Mais on s’appellera !
- Ce sera pas pareil…

- Je sais Mathieu… Mais j’ai pas trop le choix…
- Je sais… Tu vas me manquer, Sarah.
- Toi aussi, poule mouillée !
- Tu perds pas le nord !
- Jamais !

C’était difficile, mais au moins j’avais réussi à lui tirer un sourire.

Le jour venu, j’ai soufflé mes bougies seule devant ma mère, ses yeux emplis de tristesse…

Je me suis changée, j’ai fini de préparer mes affaires, et je me suis dirigée vers l’inconnu. Vers ma nouvelle vie…

Le temps est maussade, ici. Comme un écho à mon état d’esprit actuel…

Pour une raison que j’ignore, il a fallu que j’attende la fin de la journée, pour partir de Brindleton Bay et être accueillie ici, à San Myshuno.
Devant cette maison qui me semble si… si impersonnelle, si froide.

Madame… J’ignore toujours son nom, d’ailleurs, m’a ouvert la maison, et m’a tendu les clés.

- Installez-vous, c’est désormais ici chez vous ! Nous souhaitons que vous soyez le plus à l’aise possible. Je ne pourrais pas répondre à toutes vos questions, mais vous êtes désormais connue sous le titre d’agent Berry. Vous êtes agent secret. Vous commencez lundi.
- Je… Agent secret ? Vous pensez vraiment que je suis calée pour ce poste ?
- Nous le pensons, effectivement. Quelque chose de grand vous attend, agent Berry.

Elle semblait moins froide que la première fois, plus sympathique.

- Je suis désolée que notre première rencontre se soit passée ainsi. Nous ne pouvions pas prendre de détour, nous n’avions pas le choix, nous avions besoin de vous dans nos rangs.
- Je ne peux plus revenir en arrière, n’est-ce pas ?
- Effectivement, vous ne pouvez pas. Mais sachez que nous ferons tout pour que vous vous sentiez à votre place.
- Je… Merci, je suppose…
- Au fait, je ne me suis pas présentée. Je suis agent Fournier. Amelia Fournier.

Et voilà où j’en suis aujourd’hui. Seule, loin de tout le monde, dans cette maison, avec ce travail d'agent secret. Je ne sais pas comment j'en suis arrivée là. J’ai l’impression d’avoir abandonné maman. Ca me tue de la savoir seule, à Brindleton Bay… C’est tout ce que je sais, à l’heure actuelle…